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hommage : patamousse de calvo vu par max

Antonio Altarriba

En janvier 2010, le musée de la bande dessinée présentait l’exposition Cent pour Cent : à l’invitation de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, une centaine d’auteurs du monde entier rendaient hommage, par une planche inédite, à une planche originale choisie dans les collections du musée d’Angoulême. Max avait porté son regard sur une planche du Patamousse de Calvo. Son hommage est commenté par Antonio Altarriba.

La forêt est animée. Peuplée de toutes sortes d’animaux, tels le lapin et le renard, qui rejouent des affrontements archétypaux, elle est le théâtre où se déploient les thèmes et le talent graphique de Calvo. Elle symbolise l’espace naturel de ce monde zoomorphe, lui-même métaphore de l’homme. On voit ici Doudouce, tremblante, armée d’un tambour, face au bandit Tromblon, aux vêtements rapiécés, menaçant et armé d’une pétoire. Mais la peur de Doudouce s’exhale, et la nature elle-même respire l’inquiétante atmosphère. Les deux arbres qui se font face au premier plan ne plongent pas leurs racines dans la terre mais semblent plutôt les agiter en un tortillement tentaculaire. Et au fond, les ombres alignées des troncs assistent à la scène. Le conte pour enfants, transcendé par la virtuosité graphique de Calvo, devient alors un symbole majeur. Le faible à la merci du fort et du fourbe, au centre d’un monde agressif.

Pas étonnant que Max [1] ait pris Calvo comme référence. Il a tout comme lui réalisé des histoires animalières et a été reconnu pour ses dessins zoomorphes. Son engagement écologique n’est sans doute pas étranger à ce choix. Au moins, c’est ce que semble suggérer sa version de la planche de Calvo. Le caractère inquiétant de la forêt est ici renforcé. Le grillon et le scarabée qui, au milieu des champignons, apportaient une note sympathique, ont disparu et le traitement graphique contrasté des écorces a assombri la texture des arbres. Mais le plus remarquable dans cette version de Max est la pendaison de Doudouce et Tromblon, prisonniers de ces racines plus que jamais animées. Le tambour et la pétoire gisent dans la clairière. Le bois, dont le caractère menaçant était présent dans le dessin de Calvo, est ici d’une cruauté absolue. On assiste à la fin de l’innocence disneyenne. Et à la revanche de la nature sur ses déprédateurs.

Antonio Altarriba

[1Max (Francesc Capdevila, dit), né en 1956, Espagne
Surgi de l’underground dans les années 1970, Max joue depuis lors un rôle central dans la bande dessinée espagnole, à la fois comme auteur inventif et comme promoteur de projets éditoriaux. Parmi ces derniers, il faut souligner la revue Nosotros somos los muertos (1993). Son œuvre a évolué de thèmes sociaux comme Las aventuras de Gustavo (1979) ou Peter Pank (1983) vers des propositions d’inspiration psychologique et d’esthétique surréaliste comme Le Rêve prolongé de Monsieur T. ou Gestes, prouesses, propos et traits d’esprit de Bardin le Superréaliste, publiés en 1998 et 2006 à L’Association.