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l’art du catalogue selon Glénat

La rédaction d’un catalogue est toujours un exercice délicat, dans lequel un éditeur est censé résumer ce qui fait sa singularité. Année après année, celui des éditions Glénat me plonge dans la perplexité. Je ressors le catalogue millésimé 2005-2006. Voici la présentation de la collection "Grafica" : « L’originalité et la force narrative, la beauté et l’élégance graphique sont les points forts de la collection GRAFICA où se conjuguent à merveille esthétisme, romanesque et fantastique. » Cependant le fantastique n’est aucunement le genre dans lequel s’inscrivent tous les titres de la collection, puisqu’on y trouve aussi bien des polars tels que Destins croisés, Tosca ou Ultimate Agency, de la science-fiction (Nova Genesis ou H.K.) et du western (Black Hills). Plus loin, c’est au tour de la collection "Caractère" d’être présentée en ces termes : « CARACTERE est la collection de prestige, celle de la grande bande dessinée en grand format. Laissez-vous envahir par la qualité et la puissance évocatrice de ces albums… » Sous cette même bannière, une fois encore se côtoient des œuvres appartenant à des genres différents.

Moi, je veux bien que les collections ne répondent pas à un découpage thématique ou générique. Le problème, c’est que je ne vois pas du tout ce qui différencie "Grafica" de "Caractère", et qu’il me semble que les livres pourraient figurer indifféremment dans l’une ou dans l’autre. Et, en somme, les deux petits textes de présentation ne sont que pour dire la même chose : attention, voici des bandes dessinées de qualité.

Dans le catalogue Glénat 2010, plus aucune collection ne fait l’objet de la moindre présentation. Les livres sont désormais bien trop nombreux, il y a tout juste la place pour aligner, sur des centaines de pages, leurs couvertures au format timbre-poste, sans commentaire. En revanche, ce qui fait l’objet de textes d’introduction, ce sont les trois labels sous lesquels opère le groupe, à savoir Glénat, Vents d’Ouest et Drugstore. Et, cette fois encore, la plus grande confusion règne.

Sous la marque Glénat, on propose une bande dessinée « susceptible de correspondre à toutes les envies, tous les désirs, tous les publics ». Chez Vents d’Ouest, on annonce « une année éclectique et variée ». Chez Drugstore, on promet « un espace dans lequel chaque lecteur pourra trouver l’ouvrage qu’il attendait ». En résumé, il y aura de tout à tous les étages !

Mais attention, qu’on ne s’y trompe pas : Glénat proposera « de nouvelles et innovantes découvertes », Vents d’Ouest lancera « des concepts éditoriaux inédits » et Drugstore affirme sa vocation « d’exploration de nouveaux genres, de nouveaux styles graphiques ». Ah oui, là, ça deient beaucoup plus clair ; on voit bien s’affirmer trois lignes éditoriales distinctes.

Pour bien montrer que tout est dans tout, et réciproquement, l’éditeur grenoblois écrit encore que « Drugstore revendique son statut de fer de lance de la culture populaire, en misant sur l’ambition créative et l’exigence artistique ». En effet, la culture artistique, l’exigence créative et l’ambition populaire, il n’y a que ça de vrai.

La rédaction d’un catalogue est toujours un exercice délicat. Aussi, pour aider notre confrère à se renouveler (ce qui, admettons-le, devient de plus en plus difficile quand on s’est pressuré le citron depuis plusieurs décennies), voici une proposition dont nous lui cédons généreusement les droits pour son prochain catalogue. Il pourrait écrire, par exemple, que les bandes dessinées Glénat « marient le texte et l’image avec intelligence », que les albums Vents d’Ouest sont « de remarquables synthèses verbo-iconiques » et que les ouvrages labellisés Drugstore « organisent de brillantes rencontres entre la littérature et les arts graphiques ». Nul doute que les lecteurs apprécieront cette clarification.