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confidences oubapiennes

[avril 2004]

Jean-Pierre Mercier a posé son micro devant Jean-Christophe Menu, Étienne Lécroart, François Ayroles, Killoffer et Gilles Ciment, pour une conversation à bâtons rompus…

Jean-Pierre Mercier : Peut-on pour commencer faire la genèse de l’Oubapo ?

Jean-Christophe Menu : Ça remonte précisément à la rencontre avec Thierry Groensteen et Lewis Trondheim, en 1987, au colloque de Cerisy, soit cinq ans avant la création officielle de l’Oubapo. Au colloque, Thierry avait organisé un atelier de bandes dessinées oulipiennes. Ça m’intéressait, j’avais envie de creuser dans cette direction. Très vite, j’ai voulu créer l’Oubapo, mais je ne savais pas trop comment. Je ne connaissais pas le Collège pataphysique, je ne savais pas qu’il était occulté, bref je ne connaissais rien de toute cette mythologie. C’est grâce aux gens qui venaient de créer l’Outrapo (l’Ouvroir de tragi-comédie potentielle) que je suis entré en contact avec le Collège, c’est-à-dire Paul Gayot, qui assurait le secrétariat, et Noël Arnaud, qui présidait tous les ouvroirs. L’Oubapo est devenu officiel en 1992. La première réunion a eu lieu peu de temps après, en février 1993, avec des gens qui ne sont pas restés par la suite : Stanislas, Jean-Louis Gauthey. Ensuite, on a commencé à recruter. Tout ça s’est passé peu après la création de L’Association, mais tous les fondateurs de L’Association n’étaient pas intéressés par l’Oubapo. David B., par exemple, a très vite dit que ça ne l’intéressait pas et qu’il voulait travailler de son côté. Au fil du temps, il est devenu évident que l’Oubapo et L’Association ne seraient pas constitués des mêmes personnes. Ensuite, on a contacté Étienne Lécroart, Thierry Groensteen a présenté François Ayroles, Anne Baraou a été contactée, etc.

Gilles Ciment : Je suis arrivé très tôt dans le groupe mais pas au début et, à vrai dire, je ne me souviens plus très bien dans quelles circonstances. Je sais que je suis entré à l’Oubapo par l’intermédiaire de Thierry Groensteen, qui cherchait sans doute à asseoir sa légitimité de non-dessinateur en m’appelant en renfort (rires). Si Thierry m’a fait entrer, c’est qu’il connaissait mon intérêt pour l’Oulipo. Dans Les Cahiers de la bande dessinée aussi bien que dans Positif, je me suis livré à des expérimentations oulipiennes dissimulées. Mon intérêt pour l’Oulipo remonte au collège, où, en classe de sixième, un prof m’a fait découvrir les Exercices de style, de Queneau, que j’ai adorés. J’ai ensuite découvert Perec, que j’ai eu le privilège de rencontrer plus tard.

Killoffer : Je n’ai aucun souvenir de mon entrée à l’Oubapo.

J.-C. Menu : Tu étais présent à la première réunion.

Killoffer : Oui, comme j’étais dans L’Association, j’ai sans doute suivi tout ça de près. Ça me semblait naturel. Je ne voyais pas trop la différence entre L’Association et l’Oubapo.

François Ayroles : Pour moi, tout remonte à l’époque où j’étais étudiant à l’atelier BD d’Angoulême. Thierry Groensteen, qui était mon professeur, a voulu qu’on travaille sur la bande dessinée potentielle. Il a présenté l’Oulipo, que je connaissais déjà. J’avais tendance à faire des choses à contrainte avant qu’il le propose. Il a fait une session de travail sur ce sujet. Je travaillais comme ça avant, j’ai continué ensuite, et je crois qu’il m’a repéré. J’ai un souvenir très précis de ma première réunion chez Anne Baraou. Il y avait beaucoup de monde et je suis resté trois quarts d’heure en bas, parce que le code de la porte avait été changé le matin (rires). Quand je suis arrivé, Thierry a voulu me présenter les autres et Lewis a dit : « Non, on ne lui dit pas, il est arrivé en retard ! » J’ai donc passé le reste de la réunion à essayer de deviner qui était qui. F’Murr est arrivé encore plus tard, avec trois bouteilles de bordeaux sous le bras. Je me suis dit« Hé bé, si c’est ça, l’Oubapo ! » (rires).

Jean-Christophe Menu : Oui, F’Murr est venu cette fois-là, et ensuite il a dit que Thierry Groensteen était un instit’, Anne Baraou une infirmière, et qu’il ne reviendrait plus !

Étienne Lécroart : Moi aussi, je faisais des travaux proches de l’Oubapo avant même d’y entrer : un flip book à plusieurs lectures possibles, un ouvrage, paru plus tard chez Cornélius, d’après les gravures de Dürer (La Vie exemplaire de Saint Sinus). Au moment de la création de l’Oubapo,
L’Association publiait Pervenche et Victor, qui est un album oubapien. J’ai dû participer à la seconde réunion, à l’atelier Nawak, où j’ai présenté tous mes travaux, dont le "Patte de mouche" sur lequel je commençais à travailler. Je connaissais l’Oulipo parce que beaucoup des gens à qui je montrais mes planches me disaient : « Vois les gens de l’Oulipo, ça devrait les intéresser. » Je connaissais quelques bouquins de Perec, les Exercices de style de Queneau, et c’est à peu près tout.

L’appartenance à l’Oubapo vous incite-t-elle à être encore plus oubapiens dans vos travaux personnels que vous ne l’auriez été spontanément ?

É. Lécroart : Dans mon cas, c’est certain. Mes premiers travaux me portaient déjà dans cette direction. Le fait d’en faire au sein de l’Oubapo me donne envie d’en faire encore plus dans mes bandes dessinées personnelles.

F. Ayroles : Les bandes dessinées d’Étienne sont toujours oubapiennes, ce qui n’est pas le cas pour tous les autres.

Killoffer : Je pense que, même si nous ne travaillons pas toujours sous contrainte, nous apprécions tous des structures narratives fortes. Le cadre officiel de l’Oubapo nous oriente peut-être plus facilement vers les créations sous contrainte.

J.-C. Menu : On applique toujours au minimum quelques « contraintes molles ». Par exemple, Vert Thépamur, que je dessine dans Lapin, est basé sur les couleurs primaires. Ce n’est pas de l’Oubapo, mais c’est une structure forte où la couleur intervient de manière indépendante dans l’histoire. Je pratique beaucoup ce genre de choses. Il y en a pas mal dans Gnognottes : des déclinaisons de Gaston Lagaffe à main levée, entre autres.

Comment se passe la recherche de contraintes ? Êtes-vous partis des contraintes déjà mises au point par l’Oulipo ?

J.-C. Menu : Le premier travail a été de voir ce qui marchait en bande dessinée des contraintes oulipiennes. Certaines ne marchaient pas. Certaines fonctionnaient mais nécessitaient qu’on définisse des équivalents de ce qu’était par exemple l’unité de texte : est-ce la case, ou les mots dans la case ? Killoffer a expérimenté le S + 7. Le lipogramme est basé sur un élément graphique qui ne peut être représenté. Le palindrome, Étienne a montré très vite que ça fonctionnait très bien.

É. Lécroart : François Schuiten l’avait déjà prouvé avant moi.

G. Ciment : Très tôt, ça a été une « surcontrainte », si je puis dire : trouver des contraintes spécifiques à la bande dessinée, sans obligatoirement décliner des contraintes empruntées ailleurs, en particulier à l’Oulipo.

Avez-vous l’impression que le champ à explorer sera rapidement épuisé ou, au contraire, paraît-il en expansion à mesure que vous progressez dans vos recherches ?

Killoffer : Je dirai que ça fonctionne en rhizome. Le champ est potentiellement inépuisable, je crois.

F. Ayroles : Plus on travaille dessus, plus on a l’impression que les choses s’ouvrent.

G. Ciment : Ce que je remarque, c’est que les commandes extérieures nous stimulent. Pour l’exposition à la galerie Anne Barrault, on s’est dit très vite qu’il fallait qu’on travaille sur l’espace. Dans le cas des interventions publiques, ça nous a conduits à trouver des choses un peu spectaculaires. Ça nous a donné des idées de contraintes nouvelles.

Avez-vous, les uns et les autres, consciemment récupéré des contraintes trouvées au sein de l’Oubapo, ensuite exploitées dans vos œuvres personnelles ?

F. Ayroles : Par-ci par-là, dans Enfer portatif, mais ça n’est pas le moteur du livre, en fait. J’ai inclus des strips à plurilecturabilité, et quelques itérations, mais tout ça est assez mou...

Killoffer : L’Oubapo structure notre travail, notre manière d’opérer. Pour les Six cent soixante-seize apparitions de Killoffer, la forme est apparue en cours de route. Typiquement, il y a une apparence de contrainte, de travail oubapien, on sent confusément que ça n’est pas un album normal, mais on ne saurait pas dire où. L’histoire va inexorablement son chemin jusqu’au dénouement. Il y a une progression mécanique de l’histoire qui est due, sans doute, à l’influence de l’Oubapo.

G. Ciment : Mais tu n’as pas opéré de façon systématique, tu n’as pas fait tant d’apparitions dans la première page, tant dans la deuxième, et ainsi de suite, sur le principe d’une progression arithmétique...

F. Ayroles : ... comme l’a fait Stanislas dans la planche du Galérien reproduite dans l’Oupus 1.

Killoffer : À travers une contrainte, on peut découvrir une esthétique qui nous plaît, et la reproduire sans le côté systématique de la contrainte.

J.-C. Menu : Pour Vert Thépamur, c’est exactement ça !

G. Ciment : Certaines fois, les contraintes s’effacent complètement, et pourtant elles sont présentes. D’autres fois, comme dans les Apparitions ou Vert Thépamur, on peut avoir l’impression qu’il existe une contrainte, alors qu’elle n’est pas réellement respectée, ou pas systématique. C’est « l’effet Canada dry ». On reprend un peu de liberté.

Killoffer : Comme toute chose en art, la contrainte c’est très bien, mais il faut savoir la dépasser. Étienne a prouvé qu’on pouvait faire de très bonnes choses en respectant strictement la contrainte, mais on peut tout aussi bien la mettre de côté.

É. Lécroart : Je joue également avec ça. Dans Le Cycle, mes personnages plient leurs pages. J’avais déjà expérimenté cette contrainte dans Pervenche et Victor. Cette fois-ci, ça n’amène pas de sens supplémentaire, ils jouent juste avec leur espace. Je réinterprète la contrainte. Je la trouve agréable et elle sert mon récit, mais elle n’est pas strictement oubapienne dans son usage au sein de cette histoire. C’est une contrainte faiblement oubapienne dans un récit qui l’est beaucoup par ailleurs.

Killoffer : L’Oubapo n’a pas fait de nous des intégristes de l’oubapisme ! Nous conservons notre liberté.

Comment regardez-vous les travaux oubapiens d’auteurs qui ne sont pas « encartés » chez vous ?

J.-C. Menu : Marc-Antoine Mathieu ou F’Murr étaient pressentis pour faire partie de l’Oubapo. Ils ne se sont pas impliqués, par manque de temps.

É. Lécroart : Marc-Antoine Mathieu est un oubapien hors de l’Oubapo, c’est évident.

J.-C. Menu : Benoît Jacques aussi, il fait partie des gens pressentis pour être cooptés. Mais c’est long, ça aussi... Il faut faire des tests sanguins et graphologiques (rires).

Comment analysez-vous l’intérêt public et médiatique que vous suscitez ? Je pense aux invitations dans les festivals, au « supplément été » de Libération, etc.?

F. Ayroles : C’est le glamour, qui est si cruellement absent de la bande dessinée par ailleurs...

Killoffer : C’est l’effet groupe ! Comme si on était des stars du rock ! Sérieusement, je ne vois pas d’intérêt médiatique particulier à notre égard.

F. Ayroles : Le supplément de Libération tenait principalement à Alain Blaise, qui y travaille et aime bien ce qu’on fait.

J.-C. Menu : C’était une occasion exceptionnelle, dont je suis bien certain qu’elle ne se reproduira jamais.

É. Lécroart : Il ne faut tout de même pas nier qu’il y a un intérêt pour l’Oubapo, même si c’est limité.

G. Ciment : C’est vrai, l’exposition à la galerie Anne Barrault a provoqué, toutes proportions gardées, pas mal de réactions dans les journaux.

Killoffer : Avec l’Oubapo, les journalistes ont de la matière, quelque chose d’inhabituel à raconter, ça n’est pas simplement l’album d’un dessinateur.

J.-C. Menu : L’Oulipo a préparé le terrain. Malheureusement, comme dirait Jankélévitch, c’est toujours le truc avec exposant qui suscite l’intérêt des médias. Sur l’événement ou l’œuvre bruts, tu ne peux rien dire de plus que le brut. Dans le cas de l’Oubapo ou du Persepolis de Marjane Satrapi, il y a des choses en plus à raconter.

Y a-t-il des exemples d’oubapisme à l’étranger ?

J.-C. Menu : Nous avons deux correspondants officiels : Matt Madden aux États-Unis et Sergio Garcia en Espagne. Matt Madden a créé un Oubapo-USA. Ça consistait essentiellement en un site Internet où l’Oubapo français était bien mis en avant. On a laissé faire, parce qu’on n’avait pas répondu à temps. Ça a créé un précédent, et des Anglais ont voulu créer un Oubapo-UK, dont les travaux étaient nettement moins bons. En plus, ils souhaitaient fonder un Oubapo officiel, alors qu’on ne savait rien de ce qu’ils faisaient. Ils ont repris le logo, créé un site sans qu’on sache rien de leurs activités. Il a fallu mettre le holà. Nous avons donc créé le poste de commissaire politique, et celui-ci a sévi.

Quelles spécificités voyez-vous à l’expérimentation en bande dessinée, par rapport aux autres formes d’expression ?

Killoffer : C’est plus compliqué, dans le sens où il y a déjà l’alliance du texte et de l’image... Tu peux trouver une contrainte prometteuse, il faudra d’emblée qu’elle prenne en compte ces deux données du problème.

J.-C. Menu : Exact, la bande dessinée est déjà une contrainte sur ce plan, c’est pourquoi l’Oubapo n’est pas si différent de la bande dessinée que l’on fait, les uns et les autres.

G. Ciment : Étant donné que la contrainte se heurte aux spécificités de la bande dessinée que sont le tressage et autres concepts biens connus des lecteurs de Thierry Groensteen, elle devient presque insurmontable et doit être accommodée, au risque alors de devenir molle, auquel cas on l’écarte.

Killoffer : La bande dessinée est déjà tellement spécifique, tellement cadrée, qu’il suffit d’enlever un élément, par exemple le bord de la case, pour que les lecteurs considèrent que ça n’est plus de la bande dessinée.

F. Ayroles : Je ne vois pas en quoi la bande dessinée est plus contraignante qu’un autre médium... Il n’y a pas deux composantes, enfin pas forcément. On peut faire une histoire sans texte. La spécificité de la bande dessinée, ça n’est pas le texte et l’image, voyons ! Vous n’avez pas lu les livres de Thierry, les gars ? (rires)

Killoffer : N’empêche, on peut écarter une contrainte parce qu’elle va bien fonctionner pour le texte, mais pas pour l’image. L’exemple type, c’est S + 7. Il fallait d’abord transformer l’image elle-même en texte pour appliquer cette contrainte. En fin de compte, ça fonctionne plutôt bien, mais...

F. Ayroles : Dans ce cas précis, il s’agit d’une contrainte d’origine oulipienne. Tu ne l’aurais pas appliquée si l’Oulipo ne l’avait pas déjà inventée pour la littérature. C’est plus une curiosité qu’autre chose.

G. Ciment : Même si François n’est pas d’accord, je crois que ce que dit Killo est juste. Par sa nature même, la bande dessinée incline à la contrainte. Le nombre d’oubapiens par anticipation prouve que, par ses structures même, la bande dessinée a amené beaucoup de gens à pousser à l’extrême une des contraintes intrinsèques de la bande dessinée pour en faire autre chose.

F. Ayroles : Tu ne penses pas que ce que tu dis vaut également pour les autres médias ?

Killoffer : Non, la contrainte saute aux yeux : le fait que ça fonctionne par page, qu’il faille faire des cases, etc.

F. Ayroles : Mais le cinéma aussi a des contraintes fortes, sans parler du théâtre, sans doute plus contraignant encore...

J.-C. Menu : Pour le théâtre, tu as raison. Disons que la bande dessinée est plus contraignante que la littérature. La bande dessinée est déjà une littérature sous contrainte puisqu’il faut y mettre du dessin ou du manuscrit.

F. Ayroles (à mi-voix) : Je ne suis toujours pas d’accord...

Pouvez-vous expliquer pourquoi Hergé est si souvent la matière première des exercices oubapiens ?

J.-C. Menu : Comme disait Jochen [Gerner], c’est une très bonne matière première. Tout le monde le connaît, ou presque.

G. Ciment : Pour quelqu’un comme moi, qui ai la contrainte supplémentaire de ne pas savoir dessiner, c’est plus facile d’obtenir un effet auprès du lecteur avec quelque chose qui est connu de lui. Je ne peux faire des exercices qu’en détournant, recyclant. L’auteur le plus connu et le plus identifiable une fois détourné, c’est Hergé.

F. Ayroles : Il y a une immense variété de choses représentées. C’est un monde.

Du point de vue de la notoriété et de la reconnaissance, Astérix serait tout aussi payant...

J.-C. Menu et F. Ayroles : C’est vrai.

G. Ciment : Mais c’est moins inspirant. Cela dit, ça fait un bout de temps que j’ai pensé à croiser les deux séries, en mettant les dialogues de l’une dans les cases de l’autre, puisque Tintin = Astérix, Panoramix = Tournesol, etc.

F. Ayroles : Ça marcherait mieux avec Spirou, ton truc.

J.-C. Menu : À tout moment, on rattache telle case de Tintin à tel album, alors que si on prend une case de Mickey, on ne sait pas d’où elle provient.

F. Ayroles : Ce n’est pas tellement ça. La différence est dans la matière même de Tintin. Il y a un côté universel dans le dessin, qu’on trouve moins ailleurs.

Et pourtant, François Ayroles, vous avez déjà détourné Placid et Muzo ou Michel Vaillant...

F. Ayroles : Oui, mais c’est ponctuel. Si je reprenais Michel Vaillant, ça serait pour refaire quelque chose du même genre. Je ne me vois pas reprendre des cases de Michel Vaillant pour un autre exercice. Idem pour Placid et Muzo. Ce sont les deux seuls cas où j’ai utilisé des bandes dessinées que je n’admire pas vraiment. Alors qu’Hergé, ce n’est pas du tout la même logique. Je ne parlerai pas d’hommage, parce que c’est un peu ridicule, mais...

Killoffer : La narration d’Hergé est parfaite. La construction des planches est d’une rigueur de construction impeccable. Les détournements n’en ont que plus de force. Quand on travaille sur un exercice, on se trouve comme un cuisinier qui va faire son marché. Hergé, c’est toujours du bon produit. Si par exemple on a besoin d’une page d’action, on sait qu’on va trouver dans Tintin une page super bien gaulée, l’archétype de la scène d’action.

J.-C. Menu : De ce point de vue, Astérix est très bien aussi.

Killoffer : Dans Astérix, il y a plus de digressions, de fantaisie, de détails d’arrière-plan qui saturent la lecture et gênent dans le cadre d’un exercice.

F. Ayroles : Dans Tintin, il y a un côté, comment dire... « primaire », « premier degré », un polissage formidable, l’évacuation de tout ce qui est inutile.

G. Ciment : Ce qui est bien, c’est que l’exercice est en lui-même un travail d’analyse. Par exemple, pour le résumé des Cigares du Pharaon, je n’ai utilisé que les images où Tintin ne comprend rien. C’était une façon de dire que dans cet album, Tintin est constamment perdu, il ne fait que suivre les événements en se demandant ce qui se passe. Dans l’exercice, on dit quelque chose sur la matière première.

Et les projets de l’Oubapo ?

J.-C. Menu : L’Oupus 4 va paraître en 2004, il présentera les performances réalisées en direct entre les Festivals de Bastia et Lucerne en avril 2003.

G. Ciment : Non, l’Oupus 12 d’abord !

J.-C. Menu : Pourquoi pas ?