Consulter Neuvième Art la revue

une heureuse exploration : les archives de pierre couperie

Catherine Ferreyrolle

Je n’ai pas connu Pierre Couperie de son vivant mais depuis quelques semaines, j’ai l’impression de le découvrir chaque jour un peu. Après avoir passé beaucoup de temps à de la gestion administrative et afin de revenir aux fondements de mon métier [1], j’ai choisi de reprendre quelques heures par semaines mon passe-temps favori : l’exploration. Mon terrain : les cartons d’un fonds qui nous a été livré fin 2010, les archives bande dessinée de Pierre Couperie, devenues depuis ce don le « Fonds Pierre Couperie ». Et là, quelles découvertes !
Pierre Couperie est né en 1930. Historien, il fut chef des travaux au Centre de recherches historiques de l’École des Hautes Études en Sciences sociales. On lui doit nombre d’articles sur la bande dessinée publiés dans Giff-Wiff et Phénix, ainsi que la première exposition consacrée au 9ème art présentée en France : Bande dessinée et figuration narrative, en 1967. Pierre Couperie a vécu toute sa vie dans l’appartement de son enfance, y accumulant les trésors dans toutes les pièces. Il est mort en 2009, laissant à sa légatrice universelle, madame Danielle Alexandre-Bidon, le choix de l’avenir de son importante collection de livres, périodiques, coupures de presse et diapositives ayant trait à des sujets aussi divers que l’aéronautique, la science-fiction ou la bande dessinée. Danielle Alexandre-Bidon passa donc les dix mois qui suivirent à trier pièce par pièce, seule ou accompagnée d’amis, les collections de Pierre Couperie. Elle fit don en décembre 2010 à la bibliothèque de la Cité des documents concernant la bande dessinée et cinq mètres cube de cartons rejoignirent nos réserves.
Afin de préserver l’intégrité des collections et leur cohérence, nous avons décidé de ne pas les disperser dans les propres collections de la Cité et de les conserver dans un ensemble physique distinct. Elles ont tout d’abord été explorées par un stagiaire du master 2 culture de l’écrit et de l’image de l’Enssib [2], Fred Paltani, qui en a extrait une typologie. Ainsi ces collections sont composées de documents personnels (correspondance de Pierre Couperie avec des auteurs ou spécialistes de la bande dessinée, photos, diapositives, cours, écrits divers) et de documentation (périodiques, livres, affiches…).
Depuis septembre 2011, j’ai entrepris de classer les périodiques et les livres tout d’abord par langues puis par titres afin de pouvoir ensuite les cataloguer pour les signaler dans la collection de la Cité. C’est ainsi que défilèrent entre mes doigts nombre de titres de presse tels que If, Scuola di fumetti, Linus, Fumo di China. Pierre Couperie avait en effet une prédilection pour la bande dessinée italienne et nous avons retrouvé dans ses archives nombre de documents en relation avec le festival de Lucca. Il y avait également des titres anglais (Dandy, Beano) ou français (Comics 130, magazine édité par Futuropolis dans les années 70, pour ne citer que celui-là).
Irrésistiblement attirée par de gros cartons plats portant la mention « Sunday Pages », je les ai un jour ouvert, soulevant avec émotion plusieurs centaines de pages de comics sections datant des années 1930, suppléments bande dessinée publiés hebdomadairement, le dimanche, par les quotidiens américains.
Comme nombre de collectionneurs, Pierre Couperie a constitué ses propres albums de bandes dessinées en découpant les pages de ses héros préférés dans les magazines. Nombre de cartons sont donc remplis de ces découpages qu’il va être difficile d’identifier… Corollaire, nombre de périodiques ressemblent à du gruyère.
Afin d’illustrer ses cours, Pierre Couperie - qui enseignait sans notes - a réalisé des milliers de diapositives, photographiant toutes références iconographiques pouvant être reliées à une œuvre de bande dessinée. Ses diapositives remplissent aujourd’hui plusieurs dizaines de cartons. Il conviendra également de les inventorier et de les numériser.
Venir à bout du traitement de cette collection prendra sans doute des années à l’équipe de la Cité mais le bonheur de la découverte et l’enthousiasme suscité par la richesse de ce fonds l’emportent sur l’ampleur titanesque de la tâche qui nous attend.
Merci Monsieur Couperie d’avoir été un collectionneur avisé et compulsif. Votre collection contribue aujourd’hui à la richesse du fonds patrimonial de la Cité.

Catherine Ferreyrolle

[1] Catherine Ferreyrolle est directrice de la bibliothèque de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image.

[2] Ecole nationale supérieure ses sciences de l’information et des bibliothèques.