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retour sur la souris

Plusieurs lecteurs de Neuf et demi m’ont fait remarquer que, dans ma « généalogie de la souris » (cf. mon avant-dernier billet) , il manquait au moins un exemple fameux, celui de Krazy Kat. Je les en remercie. Ils ont mille fois raison, bien sûr. Je n’avais pas pensé à le mentionner parce que Krazy et Ignatz sont un exemple probablement unique de ces personnages nés dans les marges et qui s’en sont émancipés, allant jusqu’à supplanter la série qu’ils squattaient, de sorte que l’on a tendance, rétrospectivement, à oublier leur origine. Un peu comme si Gotlib s’était mis à raconter les aventures de la seule coccinelle.

L’histoire a retenu que les fameux personnages d’Herriman étaient apparus dans le bas de la série The Dingbat Family, rebaptisée The Family Upstairs à compter du 1er août 1910. Et l’on n’a pas manqué de souligner ce paradoxe, d’une histoire dont les protagonistes étaient préoccupés des agissements de leurs mystérieux voisins du dessus, alors que c’est sous leurs pieds que se passait l’essentiel.

En réalité, comme l’a bien repéré l’historien Bill Blackbeard, Krazy avait déjà fait une apparition le 11 décembre 1909 dans un épisode d’une autre série du même auteur, Baron Mooch. Le chat n’y portait pas encore son nom mais se voyait déjà traiter de « kat » par le palmipède Gooseberry Sprigg, qui aura un temps son propre strip et hantera également, plus tard, le Comté de Coconino.

On retrouve peu après Krazy, cette fois avec Ignatz, à l’intérieur même des dessins de la Dingbat Family, et déjà la situation du lancer de projectile (qui n’est pas encore une brique mais un objet non identifié). À partir de fin août 1910, le chat et la souris disposent d’un mini-strip indépendant, cloisonné, situé sous The Family Upstairs. La série prendra son indépendance définitive, et son glorieux envol, le 28 octobre 1913. J’avais d’ailleurs déjà détaillé tout cela dans le catalogue de l’exposition « Krazy Herriman », montée au musée de la Bande dessinée en 1997. Je suis d’autant plus impardonnable de ne pas y avoir songé l’autre jour. Il faut croire qu’une petite souris a commencé à me grignoter le cerveau.