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occupez-vous des chats, j’pars !!!

Maël Rannou

planche 2 | 21 x 14,2 cm | encre noire sur papier | parue sur le blog de l’autrice en 2009 puis dans le fanzine Occupez-vous des chats, j’pars !!! en 2010 | Repris en album dans l’album du même nom (mais avec un seul «  ! »), Pow Pow 2021 | Inv. 2015.7.15

[mai 2022]

Alors que Julie Doucet, pionnière québécoise de l’autobiographie dessinée et grande amatrice de fanzine, a obtenu le grand prix de la ville d’Angoulême 2021, nous vous proposons de découvrir une planche d’Iris. Il s’agit également autrice québécoise autobiographe (même si, comme Doucet, son œuvre a d’autres facettes), mais son activité paraît au début deuxième millénaire, montrant que, de Jimmy Beaulieu à Sylvie Rancourt en passant par Philippe Girard, Julie Delporte ou des dizaines d’autres, le récit de soi a toujours été très présent dans la bande dessinée du Québec.

Née en 1983 à Hull (proche de la frontière ontarienne), Iris (de son nom Iris Boudreau) appartient à cette génération lancée sur les « Blogs BD » au tournant des années 2000. Elle participe assez tôt à des fanzines des deux côtés de l’Atlantique, en parallèle de ses études à l’École multidisciplinaire de l’image de l’Université du Québec en Outaouais. Ses bandes dessinées lui apportent un relatif succès dans la blogosphère, comme en témoignent ses voyages chez différents acteurs de ce réseau et la publication en album de ses pages chez Mécanique générale (Dans mes relignes, 2006) dès sa dernière année d’études.

Le blog d’Iris s’abordait comme un carnet de bord, aussi bien de ses projets, de ses déplacements, que de ses relations intimes. Cette planche publiée début 2009 succède à un long récit de rupture et annonce au lectorat une série de voyages et résidences en Europe. La planche ici reproduite représente bien son travail : un dessin simple mais précis, où la rondeur s’applique même aux cases, la centralité de son moi de papier – ballotté par le monde extérieur – et un joli sens de l’ellipse. Cette séquence de départ chaotique retranscrit les intempestives contrariétés du présent. L’autrice, au cours de ce voyage, va témoigner, au jour le jour, d’un sentiment de libération et d’apaisement, conquis loin de son appartement, même si l’aventure ne sera pas un long fleuve tranquille.

La forme est modeste : papier machine, format A5, dessin propre au stylo à encre mais avec peu d’effets (même si l’on peut noter la joliesse des noirs remplis de hachures serrées). Conforme à la logique de création et publication, la planche est faite pour un blog, puis se retrouve dans un fanzine autoédité au format de la page originale. Elle n’est pas spécialement destinée à l’album, publié plus de dix ans plus tard, et encore moins à la muséification.

Pourtant, on perçoit déjà dans cette planche l’intérêt du travail d’une jeune autrice, qui s’est depuis imposée comme une figure de la BD québécoise, en parvenant à une forme de reconnaissance avec L’Ostie d’chat (feuilleton à quatre mains avec Zviane, Delcourt, 2011-2013) et La liste des choses qui existent (avec Cathon, La Pastèque, 2013 -…). Cette dernière a été adaptée en websérie d’animation par l’Office national du film. Dans les deux cas, les récits ont d’abord été publiés en ligne, à la même période que cette page pour la première, et sont toujours largement disponibles en ligne. De la même manière, La Liste des choses qui existent a aussi existé en fanzine autoproduit en 2012, avant de passer chez un éditeur installé. Au-delà de la page en elle-même, cette planche représente également tout un circuit multimédiatique passant par le contact direct au lecteur sur le web, l’auto-édition puis le passage en album. Il s’agit d’un parcours assez représentatif de cette autrice mais aussi d’une génération d’auteur·es révélée à la même période, par les mêmes moyens.