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dans l’atelier... de loïc guyon

Thierry Groensteen

[Octobre 2020]

Thierry Groensteen : Tu es originaire de Lyon…

Loïc Guyon : Oui, et en dehors des périodes où j’ai voyagé et de mon séjour à Paris qui a duré moins d’un an, j’y ai vécu jusqu’à mon installation à Angoulême en 2017.

On cultivait les arts dans ta famille ?

Non, pas spécialement. Il y avait surtout des professions médicales. Ma mère était infirmière, mon père dentiste, mon frère et ma sœur sont respectivement médecin et infirmière… Cela dit, mon père est aussi musicien, et avec mon frère, plus grand que moi, nous dessinions beaucoup. Je le suivais dans ses délires. Pour jouer, nous nous faisions nos propres figurines en papier : nous dessinions des personnages que nous découpions ensuite. Quelquefois un même personnage existait de face et de dos. Quand j’étais petit, mon frère avait réalisé un magazine à mon intention, dans lequel il y avait des pages de BD. Par la suite, j’ai fait pareil pour ma petite sœur. Et pour ce qui est de mes lectures, c’était pareil, je suivais mon frère. Nous lisions beaucoup de bandes dessinées. Il me semble que c’est après avoir terminé la lecture d’un Lucky Luke que j’ai demandé à mon père comment les BD étaient faites, si ça correspondait à un métier.

Tu étais abonné à des journaux ?

Non, mais je lisais régulièrement Picsou Magazine.

(Photo Thierry Groensteen)

Tu as donc su assez tôt que tu deviendrais dessinateur…

Oui. J’ai d’abord songé à la bande dessinée, mais à la fin de l’adolescence j’ai switché pour l’animation. Je voulais vraiment en faire, et ça m’intéresse toujours autant aujourd’hui, mais j’ai été rebuté par le côté trop dépendant des autres, alors je suis revenu vers la bande dessinée. Je voulais avoir le contrôle complet sur ma création, être réalisateur.

Mais tu as eu une expérience directe de l’animation ?

Oui, j’en ai fait à l’école.

A Emile Cohl ?

C’est ça. Mais quand il a fallu, après le tronc commun, choisir son option, je suis allé vers l’édition et l’illustration.

As-tu été marqué par certains professeurs ?

Certains profs étaient de véritables institutions, comme Madame Blot Ducreux, qui nous faisait dessiner des objets au fusain ou au pastel pendant des heures, Philippe Pauzin, Gilbert Houbre pour des études documentaires à la gouache, Jean-Michel Nicollet au modèle vivant.
Dans ma première année, j’avais été bien soutenu en BD par Cédric Babouche, qui faisait de l’animation en tradi et qui sortait lui-même de l’école. En BD/illustration, j’ai entre autres aussi eu Lax, les frères Jouvray, Emre Orhun ou encore Emmanuel Pierre...

Pendant les quatre années que tu as passées à Emile Cohl, as-tu commencé à participer à des fanzines, des collectifs ?

On a créé un fanzine avec des potes, oui, qui s’appelait Y et qui était un peu un gros fourre-tout d’étudiants. Par la suite, en comité plus réduit, on s’est payé une photocopieuse dont on se servait pour faire des petites soirées/ateliers de microédition expérimentales appelées Le Labo du Robot Shaman. En dehors de ça, même si le milieu de la micro-édition me plaît et m’intéresse beaucoup, je crois que je n’ai pas réussi à m’y faire une vraie place.

Avant d’entrer dans la vie professionnelle, tu as choisi de parcourir un peu le monde. Tu as en particulier effectué en 2010, à l’âge de vingt-six ans, un long périple aux Etats-Unis…

C’est une époque où je faisais beaucoup de croquis, et où je ne me sentais pas encore assez à l’aise avec mon dessin pour en faire ce que je voulais. Je ne me sentais pas prêt, techniquement, à pouvoir raconter des choses comme j’en aurai eu envie. Il y avait sûrement là-dedans une part de procrastination, de manque de confiance en moi et de vouloir trop bien faire tout de suite. Mais aussi le fait que, après des années de vie et d’études à Lyon, j’avais envie d’aller voir ailleurs. J’avais déjà fait des voyages avec des copains en Inde et à la Réunion. Il se trouve que j’ai hérité d’une somme d’argent qui m’a permis d’envisager une année complète aux Etats-Unis. Mais je dépensais plus que prévu alors je suis rentré après environ sept mois de voyage.

Dessin exécuté à Jimbo’s, 27 septembre 2010

C’est un road trip que tu as fait seul…

Oui. Je suis allé à New York et la suite s’est improvisée. Je n’avais pas encore le permis, ce qui était une erreur dans ce pays-là. Mais je suis déplacé en bus, ou en étant pris en voiture par des gens que je rencontrais. Je faisais du coach surfing, je dormais chez les gens, sur leur canapé. J’ai tout particulièrement adoré la Nouvelle Orléans. La musique, la fête tout le temps, c’était génial ! Etonnamment, j’ai bien aimé Miami aussi. Je n’avais pas d’appétence particulière pour cette ville, mais je me suis retrouvé sur le bateau d’un Autrichien, dans une baie, un lieu de vie appelée Jimbo’s au milieu d’un parc national. C’était un repaire de hippies et de marginaux, fait de bric et de broc assemblé autour de la bicoque d’un ancien pêcheur de crevettes. L’endroit était régulièrement visité par les habitués, quelques touristes au courant du lieu et il y avait souvent des tournages ou des shootings photo. Mais je crois qu’il n’existe plus aujourd’hui. J’y étais resté un moment, en vendant des dessins parce que tout le monde voulait son portrait.

Pendant ton voyage, tu as noirci pas mal de carnets ?

Oui, j’ai beaucoup dessiné, ça me permettait de pratiquer et c’était un moyen de donner un but à mon voyage, de faire des rencontres et de ne pas être là simplement pour dépenser ma thune et faire des selfies à côté du Grand Canyon. Et puis exécuter un dessin, ça prend beaucoup plus de temps que de faire une photo. Et ce temps-là s’imprime dans la mémoire. Pour chaque dessin, je sais encore précisément ce qui se passait autour de moi, quelles personnes sont venues me parler, l’état d’esprit dans lequel j’étais…

Tu n’as pas essayé, au retour, de publier un carnet de voyage ?

Non. Je me considérais toujours en apprentissage, et je voulais me lancer dans d’autres projets. Je ne me voyais pas prendre du temps pour ça.

On peut voir une sélection des dessins que tu as ramenés sur ton site [1]. Tu dessinais les paysages, les constructions, mais aussi beaucoup les gens…

Ah oui, j’ai toujours aimé dessiner les gens, dans la rue, le bus ou le métro. D’ailleurs j’ai participé au site internet participatif créé en 2009 par Nicolas Barberon, De lignes et ligne, qui a réuni jusqu’à 150 dessinateurs français et étrangers. Une sélection de nos dessins a été publiée dans un livre aux éditions Eyrolles [2]

Quand tu as été de retour à Lyon, tu as rejoint un atelier appelé Arbitraire…

… fondé par des anciens de ma promo. Arbitraire, c’est à la base une revue, et c’est aujourd’hui une maison d’édition, dont l’atelier qui compte une grosse dizaine de places est le siège. A l’école on n’était pas spécialement très proches, j’appartenais plutôt à un autre « groupe » mais j’aimais beaucoup leur travail. Puis ils ont ouvert leur atelier aux dessinateurs extérieurs au collectif, et ont bien voulu m’y faire une place. J’y ai principalement réalisé l’album que je devais dessiner pour Sarbacane, L’Enragé du ciel.


C’est Joseph Safieddine, le scénariste, qui t’avait proposé de le réaliser avec lui ?

Oui, c’est lui qui est venu me chercher. Il avait travaillé avec certains de mes amis sur des projets qui avaient été publiés chez Manolosanctis, et cela faisait un moment qu’il voulait collaborer avec moi. Mais, d’une part je ne me sentais pas prêt, d’autre part je n’étais pas vraiment convaincu par ce qu’il m’avait proposé jusque-là. Ce projet-là m’a accroché parce que la vie du personnage m’a paru folle et que c’était une histoire épique dans laquelle il y aurait plein de choses différentes à dessiner, où j’allais retrouver tout ce qui m’a plu dans les BD d’aventures qui m’ont fait grandir. Je me suis dit que c’était l’album parfait pour bien me faire la main.

L’homme dont l’album raconte l’histoire, Roger Henrard (1900-1975), était un grand de la photographie aérienne, et accessoirement l’arrière-grand-père de ton scénariste. Tu avais déjà entendu parler de lui ?

Pas du tout. Il n’est pas très connu du grand public, c’est pour cela que c’était intéressant de parler de lui. J’ai un peu mis mon nez dans le scénario pour pousser Joseph dans les directions qui m’intéressaient le plus. C’est lui qui a pris contact avec Sarbacane. Il avait plus d’expérience que moi en ce qui concerne les contacts avec les éditeurs.

L’Enragé du ciel (2015), scénario Joseph Safieddine, page 116 (détail)

Dans cet album, on croit déceler certaines influences, en particulier celles de Christophe Blain et de Clément Oubrerie…

Blain, oui. Pour Oubrerie, on me l’a souvent fait remarquer, et je vois bien pourquoi, mais je ne l’avais pas encore tellement lu à cette époque. Je pense que la ressemblance vient pas mal de la technique. Dans L’Enragé du ciel, j’ai voulu mélanger des influences « primaires » diverses. C’est un peu un album d’hommage aux maîtres. Certains sont plus flagrants, comme Blain, mais je pourrais citer Morris, Blutch, De Crecy, Benjamin Flao, Manuele Fior, Pascal Rabaté, Miyazaki et beaucoup d’autres… Toute la bande de l’Association…

Combien de temps as-tu mis à le réaliser ?

Deux ans et demi, pour 135 planches en couleurs. J’avais attaqué l’album la fleur au fusil, et en cours de route j’ai trouvé que c’était un peu gros pour quelqu’un qui avait peu de planches derrière lui. Mais je vis la même chose avec le livre que j’achève en ce moment, je tire à nouveau un peu la langue.

Les planches de L’Enragé sont exécutées au crayon, sans encrage…

J’ai d’abord fait un storyboard complet, que j’ai imprimé à la taille des originaux. Je le décalquais rapidement au crayon et ensuite je poussais le dessin, avec un crayon de couleur noir, puis j’ajoutais des aplats noirs à l’encre, des gris au lavis, parfois des rehauts de blancs à la gouache. La couleur a été faite sur Photoshop, selon un système assez simple d’aplats, étant donné que les valeurs, les contrastes, étaient déjà indiqués dans l‘image.

L’Enragé du ciel, planche originale 59

Indépendamment des scènes d’aviation, ce qui apparaît à chaque page, c’est que tu aimes représenter le mouvement…

J’ai ça en moi, c’est sûr. D’où mes envies d’animation.

Quel accueil l’album a-t-il reçu ?

Sarbacane l’a très bien porté et pour un premier livre, il me semble qu’il a été plutôt bien accueilli.

Ça t’a valu d’être sollicité par d’autres scénaristes, ou par des éditeurs ?

Les scénaristes ont été nombreux à m’approcher, et c’est encore le cas aujourd’hui. J’ai aussi été contacté par des éditeurs, mais je voulais que mon livre suivant me corresponde vraiment, je voulais être mon propre scénariste, créer mon univers. Or les éditeurs attendent des jeunes dessinateurs qu’ils acceptent de travailler sur un scénario tout prêt, ou d’adapter tel ou tel bouquin. Ils ne leur font pas confiance en tant qu’auteur, n’encouragent pas l’éclosion de nouveaux auteurs.

Décor pour la série Portraits de voyages.

Tu avais, en 2012, travaillé sur les décors d’une série d’animation documentaire de Bastien Dubois, Portraits de voyages, vingt épisodes de 3’ qui ont été diffusés sur Arte.

Un super pote à moi, Emmanuel Prost, qui lui est vraiment féru de carnets de voyages et de dessins d’après nature, avait rencontré Bastien Dubois au festival de Clermont-Ferrand. C’est lui qui m’a branché sur ce projet. La production était à Paris, je m’y suis donc installé le temps de ma collaboration. Comme le projet était basé sur l’idée de carnets, on n’était pas obligés de se conformer à un style homogène, on était très libres. Les décors que j’ai produits étaient quelquefois inventés à partir d’une simple carte en 3D et de la documentation qui nous était fournie, d’autres fois directement d’après photo. L’animation des personnages était faite en rotoscopie, donc il nous arrivait de peindre chaque image d’un mouvement sur des photocopies.

Tu as encore à ton actif une autre pratique, celle de la fresque murale…

A Lyon, il y a un très riche programme de fresques, réalisés par Cité de la Création. Ce sont eux aussi qui ont signé les murs peints à Angoulême. J’avais des amis qui travaillaient avec eux. Ça m’aurait plu moi aussi de monter sur les échafaudages mais je me suis contenté de faire quelques maquettes. Ensuite, j’en ai finalement réalisé plusieurs de mon côté, chez des particuliers, que ça soit des commandes où en échange du logement comme chez un ami à la Réunion.
La technique de la peinture, je l’avais bien apprise à l’école. Le reste n’est qu’affaire d’organisation. Il faut faire une maquette, puis la reporter sur la surface au moyen d’un quadrillage… On ne parle pas de fresque à l’ancienne…
J’ai aussi travaillé ponctuellement avec A.Fresco, dans le tunnel de la Bocca, à Cannes, que nous avons entièrement peint pour le transformer en un aquarium géant.

Entre ton premier album et celui que tu es en train de réaliser, tu as eu quelques collaborations avec des titres de presse, chez Bayard, notamment…

Juste avant L’Enragé du ciel, j’avais travaillé sur Les Autres Gens, pour Dupuis, avec Thomas Cadène, avec lequel Josepf Safieddine m’avait mis en contact. J’ai dessiné plusieurs chapitres de la saison 2, et j’en avais redessiné d’autres – qui pour des raisons diverses ne pouvaient pas être publiés tels quels – en vue de l’édition papier. J’avais bien aimé le fait de devoir travailler dans une certaine urgence. Ça m’aide beaucoup, ça me libère de mon perfectionnisme maladif. Après L’Enragé, j’ai travaillé avec Phosphore, J’aime Lire, Topo… Je viens de travailler pour La Revue dessinée

On peut voir sur ton site des illustrations, je pense en particulier à des dessins de format horizontal, panoramique, qui ont l’être de procéder d’une forme d’écriture automatique, comme si tu partais à gauche de la feuille et que tu la remplissais sans savoir ce qui en sortira au final…

Oui, c’est exactement ça.

Quant au trait, il est plus proche du cartoon, voire de l’underground…

Oui, cette direction-là m’est un peu plus personnelle. Et j’essaye de m’y (re)diriger après en avoir été plus ou moins détourné par des boulots de commande ou même un livre comme L’Enragé qui demandait un dessin plus réaliste et « élégant ».

Extrait de L’Américain, à paraître

Qu’est-ce qui t’a décidé à quitter Lyon pour venir t’installer à Angoulême ?

Après L’Enragé, je voulais à nouveau partir de Lyon. J’avais l’impression d’y tourner en rond, c’était un peu compliqué financièrement et je voulais m’éloigner des grosses villes. Je suis alors parti en Indonésie, avec pour objectif d’être loin de tout pour me concentrer sur mon nouveau projet, qui était déjà une première mouture de L’Américain. En fait ça n’a pas trop marché, là-bas il faisait lourd et humide, les bras collaient au papier et j’y ai surtout à nouveau vagabondé en scoot et fait des croquis.

Jungle Guest House, en Indonésie
Dessin réalisé en Indonésie

Mais j’avais parallèlement rempli une série de demandes pour des bourses ou des résidences. Quand j’ai appris que j’étais accepté à la Maison des auteurs et qu’en plus j’obtenais une bourse de la Région Rhône-Alpes et la bourse de résidence 2017 décernée par la SAIF [3], j’ai décidé de rentrer.

Quand tu es arrivé à la Maison des auteurs, tu avais déjà un contrat en poche avec un éditeur, pour ce nouveau livre, L’Américain ?

Non non. J’avais quelques pistes, notamment avec Delcourt, mais à l’époque je voulais travailler en grande partie dans l’improvisation et on fait difficilement confiance à un jeune auteur pour ça. Donc, une fois installé à la Maison des auteurs, j’ai entrepris de dessiner un storyboard complet de l’histoire et le projet a pris une nouvelle forme, plus dense.

Extrait de L’Américain, à paraître

Où en es-tu aujourd’hui de la réalisation de ce livre ?

Je suis sur la fin. Je dois rendre les dernières planches en novembre et la sortie est prévue au printemps 2021. Il comptera 230 pages.

A nouveau chez Sarbacane…

Finalement, oui. On était toujours régulièrement en contact et une fois que j’ai présenté le projet sous sa nouvelle forme ils m’ont fait une proposition assez rapidement et j’ai décidé de repartir avec eux.

Gouache de couverture pour le mini-comic de 2012
Gouache de couverture pour le mini-comic de 2012

Que raconte L’Américain ?

Au départ de ce projet, il y a un mini-album (quelques pages format A5) que j’avais fait en 2012, en improvisation, lors d’une soirée du Labo du Robot Shaman. Mon univers était marqué par mon périple récent et le résultat avait déjà pour titre L’Américain.
J’ai repris le personnage pour construire quelque chose autour. Dans l’album alterneront les séquences en couleur et les séquences en noir et blanc. Les pages en noir et blanc décrivent principalement la vie de Francis, le héros, de sa copine et de son entourage qui ne font pas grand-chose, si ce n’est de parler de la série télé qu’ils suivent, qui a pour titre L’Américain, et dont les pages en couleur représentent des épisodes. Le personnage de l’Américain est une caricature étrange des États-Unis, et la série une sorte de cartoon d’action, satire du super-héros qui se bat contre les ennemis de l’Amérique, un peu à la manière d’un Captain America. Je ne cherche pas véritablement à dire quelque chose avec la série dans le récit, mais plus particulièrement avec les réactions qu’ont les personnages de la réalité envers elle.

Les super-héros font partie de ta culture BD ?

Un peu dernièrement, oui. Mais enfant, ado, c’était plutôt via les dessins animés et les films que j’ai découvert cet univers. J’avais un plaisir enfantin, comme beaucoup, par rapport à l’idée des super-pouvoirs. Même si je ne pense pas être un spécialiste, le côté mythologie moderne me plaît beaucoup et j’aime parfois, sans forcément lire les comics, connaître les liens entre les personnages, leurs histoires et les événements majeurs de l’univers.
Après, dans mon livre, la figure du super-héros me sert surtout à parler du sentiment ambigu qu’on peut avoir pour cette culture américaine avec laquelle on a grandi, qui suscitait notre admiration, et dont en grandissant on discerne de plus en plus nettement tous ce que ça charrie de risibles et pernicieux : manichéisme, propagande consumériste capitaliste, impérialisme, etc... Mon héros est au milieu de ce sentiment-là et il a un copain qui kiffe la série au premier degré, un autre qui est, au contraire, super critique, etc, donc on a tout un éventail de réactions. Sa copine, elle, est plutôt exténuée par le fait que ça occupe autant de place dans leur vie et qu’ils ne parlent que de ça.

Extrait de L’Américain, à paraître

Maintenant qu’il touche à sa fin, dirais-tu que tu es satisfait du livre tel qu’il va être publié ?

Je suis passé par beaucoup de phases. Je dirais que je suis satisfait d’avoir appris beaucoup de choses en le faisant. Au niveau graphique, je suis plutôt content, mais comme c’est le premier livre que j’écris, j’ai encore du mal à savoir ce que je dois penser de mon texte. On verra avec les retours et le recul.

Pour les pages en couleur, tu travailles sur des feuilles qui sont déjà colorées. Du vert, de l’orange, du rouge assez soutenu…

Oui, avec une couleur de fond différente par séquence. Ça participe de la narration. Et je dessine par-dessus avec des feutres-gouache de la marque Posca.

Tu auras passé quatre ans sur ce livre. En faisant d’autres choses à côté, certes, mais tout de même… Est-ce que ce n’est pas trop long, pour accoucher d’un album ?

Si. J’ai vraiment hâte d’en finir. Je suis conscient qu’il y a des choses que je vais devoir remettre en question, quand je me relancerai sur un autre projet. Me mettre moins de pression…

Vue partielle de la table de travail à la Maison des Auteurs
(Photo Thierry Groensteen)

Ta résidence va s’achever en même temps que l’album. Qu’as-tu l’intention de faire ensuite ? Retourner à Lyon ?

Je ne sais pas. Je me poserai la question quand j’aurai fini. En tout cas, je pense revenir à des récits courts et spontanés, des projets collectifs aussi, pour au moins un temps ; prendre le temps de respirer et revenir au côté ludique de la BD qu’on perd facilement sur un long projet.

Propos recueillis à la Maison des auteurs le 28 septembre 2020.

[2De lignes et ligne. L’art discret du croquis de métro, Eyrolles, 2015.

[3] Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe.