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comment et pourquoi nous avons édité g.ri

Olivier Bron et Simon Liberman

[Mai 2020]

Nous avons toujours été curieux de découvrir des pionniers de la bande dessinée. Fin 2013, nous venions de publier Gustave Doré, et on réfléchissait tranquillement aux projets de patrimoine sur lesquels on pourrait travailler… Dès la création des éditions 2024, l’envie de republier des bandes dessinées anciennes était présente : ça nous a toujours semblé très complémentaire du travail qu’on voulait engager sur la jeune création ; et nous avions aussi conscience que cette « mémoire » de la bande dessinée relevait uniquement de la volonté des éditeurs, donc nous avions à cœur d’y participer — on a toujours été frustrés, en tant que lecteur, par la difficulté qu’on avait à remonter dans le temps…

Un bon copain (et auteur) qui bossait de temps en temps avec nous à l’époque, Eugène Riousse, nous envoie un jour un lien vers un site américain : une notice de quelques lignes sur G.Ri, accompagnée de 4 ou 5 images — des volcans, des ciels étoilés — toutes tirées de cette page magnifique du Professeur Diplodocus à travers les âges, à partir de laquelle nous avons finalement construit la couverture du premier recueil.

Visuellement, on est immédiatement séduits, et on décide de creuser un peu. À l’époque, sur cet artiste, c’est un grand silence blanc sur le web, quelques mentions ici ou là, mais pas vraiment d’articles. Rien sur Wikipedia… heureusement que Gallica répond présent. On se met à compiler toutes les pages des Belles Images présentant ses histoires, on épuise leboncoin, ebay et les boutiques d’anciens de notre connaissance et on arrive peu à peu à constituer un fonds solide, de quoi lire plusieurs récits complets en tous cas, et se faire une idée plus précise de la qualité et l’importance de l’œuvre.
Tout nous conforte dans notre idée de travailler à une publication : graphiquement, les pages inventives et impressionnantes se multiplient ; les mises en scène sont dynamiques, les plans relativement variés, et G.Ri a une vraie conscience de la composition globale de ses planches ; les récits sont intéressants et correspondent parfaitement au cœur du catalogue que nous construisons : de la SF, de l’aventure, des découvertes ; la sensation que G.Ri est complètement et assez injustement oublié, aussi. C’est d’ailleurs très généralement le cas des auteurs de cette période (Omry, Valvérane…), pendant laquelle la bande dessinée, publiée dans la presse jeunesse, ne faisait que très peu l’objet de publications sous forme de livres. Or, seuls les livres traversent le temps, la presse disparaît vite… Pourtant, on trouve quelques auteurs d’envergure qui citent G.Ri parmi leurs lectures marquantes (Saint-Ogan, Jean Bruller alias Vercors…)

Notre décision est donc assez rapidement arrêtée. Vient ensuite le temps de l’enquête : qui est ce Victor Mousselet ? On cherche sans réelle méthode ni expérience mais, de fil en aiguille, on finit par trouver son acte de décès et un maigre dossier militaire. Il y a peu de Mousselet dans l’annuaire, en France, alors on prend le temps de tous les contacter mais, sur l’homme, on n’en saura pas beaucoup plus. En revanche, on rencontre deux collectionneurs qui ont dans leurs cartons de très nombreux dessins originaux et quelques fanzines (Désiré, Le Collectionneur de Bandes dessinées…) dans lesquels on retrouve des articles intéressants.

Ses récits dans Les Belles Images sont la partie de son œuvre qui nous intéresse le plus ; et ceux-ci se répartissent globalement en trois catégories : la fantaisie scientifique (pré-SF), les contes de fées et le merveilleux, et des récits d’exploration (au pôle nord, sous la Terre…).

En parallèle, on prend contact avec la BnF : il nous manque au moins un récit important, présent sur Gallica mais dont les numérisations ne permettent pas l’édition. Par bonheur, les éditions de la BnF (Marie-Caroline Dufayet & Benjamin Arranger) se montrent immédiatement curieuses et nous proposent d’y travailler ensemble… La coédition est très simple, chaque structure valorise d’abord les documents apportés et le temps de travail investi, puis on partage pour moitié coûts et recettes.

Nous sommes en 2015 et cette fois, c’est réellement parti : on peut se mettre au nettoyage des fichiers. Le premier livre sortira deux ans plus tard.

par Olivier Bron et Simon Liberman