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crinolines et falbalas :
propos peu élégants sur les gravures de mode dans la bande dessinée

Danièle Alexandre-Bidon

[Juin 2019]

Depuis le XIXe siècle, les dessinateurs humoristiques proposent des allégories de la Mode et de ses victimes, volontiers tournées en ridicule. Mues par le fouet de Dame Fashion qui les fait sauter à travers un cerceau comme des chiens de cirque, les femmes tournent en rond dans le grand manège de la Mode [1]. En changeant sans cesse de toilette, elles papillonnent : ainsi la femme est-elle représentée vêtue en papillon [2] dans Punch, or the London Charivari, en 1844, ou dans Ally Sloper’s Half Holliday [3], en 1885. Elle fait même l’objet d’une chasse au filet chez Gustav Verbeek [4]. L’allégorie perdure jusqu’au temps présent, avec l’héroïne girlie de Fabienne Legrand, qui se pare d’une robe post-moderne aux ailes de papillon devant Karl Lagerfeld en personne [5].

La femme : un papillon de mode.
a. « The butterfly was a ‘lady’ », Punch,
or The London Charivari, 1844, vol. VII.
b. Miss Sloper, « Fashion Fancies »,
No.67, « The ‘June’ Costume »,
Ally Sloper’s Half-Holiday, vol. II, No.57, 30 mai 1885 (coll. part).

« La mode est un despote avec lequel la femme ne raisonne jamais longtemps ; c’est qu’en principe il n’y a pas de modes ridicules, il n’y a que des modes qui ne sont pas encore de mode. »
Georges Montorgueil, La Parisienne peinte par elle-même, 1897

La femme, en matière de mode, est moins perçue comme un être pensant que comme un animal mondain. Le caractère imprévisible de la Mode, qui souvent varie, comme le genre féminin si l’on en croit une locution proverbiale devenue politiquement incorrecte, donne du deuxième sexe une image empreinte d’irrationnalité. Néanmoins, on aurait tort de croire que, dans la bande dessinée et le dessin humoristique, la thématique de la mode et de la coquetterie ciblerait spécifiquement les femmes. En effet, les exemples les plus anciens visent tout particulièrement le genre masculin. Une illustration de Hogarth, légendée « Mr. Somebody » (1732), dénonce, à travers l’image d’un habit vide, l’absence de personnalité de celui qui se pense supérieur « alors qu’il ne fait que suivre la mode » [6]. En 1831, Monsieur Jabot, de Töpffer, qui porte d’ailleurs un nom d’accessoire de mode – le jabot, un ornement de dentelle ou de mousseline accroché au plastron –, est un poseur qui « grâce à sa bonne tenue sut réussir dans le monde ». En 1836, Cruikshank, dans son Comic Alphabet, illustre la lettre F pour Fashion par un couple dont le principal protagoniste est l’époux, qui s’affiche dans une pose avantageuse [7]. En 1848, c’est un jeune homme, Monsieur Réac, de Nadar, qui, habillé de neuf, plastronne et débine le couvre-chef peu gracieux d’un camarade. Dans les années 1900 encore, les dandys comptent sur leur cravate pour séduire les belles, ce dont se moque l’illustré américain Puck, dans un dessin humoristique intitulé « Our Fashion Note » [8].

Puck, vol. 4, No.92, 28 avril 1906 (coll. part.)

Mais, à cette date, les humoristes se sont retournés contre le genre féminin. Georges Montorgueil et Henry Somm font de la Parisienne un personnage prototypique, qui se décline en catégories dont bon nombre sont dédiées à la Mode : la Grande Dame, la Demi-mondaine, la Ménagère, la Domestique, la Bicycliste, mais aussi la Petite Blanchisseuse, le Trottin, ce « rapin de la mode » qui trotte pour livrer « dentelles, chapeaux, rubans et manteaux », la Demoiselle de magasin, le Modèle de couturier, le Mannequin [9].
Toutes ces femmes ont des défauts. Parmi tous ceux qui lui sont attribués : la paresse, la bouderie, la gourmandise, le bavardage, la médisance, la coquetterie, ce dernier est sans doute celui qui, dans les illustrés, est le plus reproché à la femme. Si, majoritairement, ce sont des hommes, dessinateurs et lecteurs, qui se moquent de l’addiction féminine à la Mode, un thème qui est au principe de plusieurs centaines de gags et même d’histoires complètes, des dessinatrices ont elles aussi choisi d’exploiter ce créneau dès les années 30, comme Ethel Hays qui montre la femme décidant de son lieu de villégiature, ville ou montagne, uniquement en fonction des journaux de mode : le maillot de bain lui apparaissant plus seyant que la combinaison de ski [10].

Vanitas vanitatis : le sermon aux coquettes

Les hommes montrent volontiers les femmes prêtes à tout pour être au goût du jour. Ils stigmatisent régulièrement leur refus tout féminin de se plier aux exigences de la météo – un reproche qui date du Moyen Âge ! La mode exige ainsi de la Parisienne ce mépris du climat : « Ses nudités de gorge par orgueil bravent la bise des nuits d’hiver » [11]. L’affriolante Dumb Dora, de Chic Young, entend affronter les grands froids du Pôle Sud vêtue de fourrures trop légères et bien trop courtes… Pah, dans « Polly and her pals », reproche à sa fille les « pumps and vanities of this world » qui la poussent à affronter les frimas en veste courte et chaussures à hauts talons plutôt qu’en manteau et grosses bottines.

Cliff Sterrett, Polly And Her Pals, 2 janvier 1927.

Autre reproche venu de la littérature moralisatrice du XVe siècle, les femmes refusent de se vêtir conformément à leur état. Les pauvresses n’ont droit qu’à un unique modèle de robe, comme Annie la petite orpheline. En novembre 1944, l’horrible femme chez qui elle avait été placée, et qui la réduisait au statut de bonne à tout faire, refuse que ses condisciples lui offrent quelques-unes de leurs jolies robes. La Bible, appelée à la rescousse, s’oppose selon elle à ce que la femme suive la mode, car « Vanité des vanités, tout est vanité ». La vanité n’est reprochée qu’aux femmes, bien sûr…
En France, les humoristes brocardent volontiers les filles des rues et les femmes du demi-monde [12], mais pas plus, somme toute, que les « gens chics » [13]. Aux États-Unis, la BD a surtout mis en valeur le rapport à la Mode des nouveaux riches, dont la volonté d’ascension sociale passe par le vêtement, ainsi dans le Bringing Up Father de McManus. Pour Maggie (Madame Illico), suivre la mode est le meilleur moyen non seulement d’afficher son standing mais aussi d’être adoptée par la haute société. Elle et sa ravissante fille se lancent donc à corps perdu dans l’achat à répétition de vêtements de luxe. Les réactions de Jiggs, leur époux et père (Monsieur illico), devant leurs dépenses astronomiques en disent long sur le regard porté par les hommes sur les femmes toujours dépeintes comme coquettes et dépensières. En cela, la BD se place dans une longue tradition littéraire qui met en exergue, comme le dit Steinbeck, « le luxe le plus somptuaire de tous, la femme » [14]. Ce luxe, ce sont les toilettes. En visite à Paris, en 1920, lors de leur Grand Tour, Maggie n’a qu’une idée en tête : faire les boutiques. Et Jiggs de protester : « Je suis venu pour visiter Paris, pas pour l’acheter ».

George McManus, Bringing Up Father,
Commercial Appeal Memphis Tennessee,
21 novembre 1920.

Mais la critique n’est pas systématique, car les lecteurs apprécient de voir les personnages de BD suivre la mode. C’est pourquoi nombre de dessinateurs figurent leurs héroïnes avec une robe neuve à chaque strip, à l’instar de l’assistant de McManus, en 1954, qui montre Maggie exigeant de son auteur : « I’ve helped clothe you – so now you draw me a new wardrobe ! ». Les personnages viennent se plaindre que le dessinateur ne respecte pas au centimètre près la hauteur idéale de l’ourlet de leur jupe ou de leur pantalon pour être parfaitement à la mode [15] ! Les lecteurs s’interrogent sur la sempiternelle petite robe rouge que porte Annie. Elle a donc fait l’objet d’un dessin plein d’humour où la jeune fille suspend sa lessive : pas moins de quatorze exemplaires de sa robe sèchent au vu et au su de tout le voisinage. « J’espère que quelques-uns des voisins qui m’accusent de n’avoir qu’une seule robe se sentent morveux, maintenant ». Ils peuvent aussi se demander d’où provient la garde-robe inépuisable de certaines élégantes, telle Miss Lace, la femme fatale de Milton Caniff. Le dessinateur leur fournit donc la réponse dans une case qui la montre embrassant un civil : « I always thought she had some rich 4F on the string. Where else does she get all them clothes ? » [16].

De tels gags poussent à se demander d’où vient la science de la mode des dessinateurs de BD. Elle provient en partie des revues spécialisées, comme chez McManus. L’extravagance du style d’un chapeau à queues de fourrure, que Maggie porte dans un strip daté de 1913, ne doit pas être prise pour la caricature d’une femme de peu d’éducation qui chercherait en vain à paraître élégante. Il s’agit bel et bien d’un modèle réel, publié en couverture du numéro du 18 août 1912 du Petit Écho de la Mode, ce magazine de mode incontournable qui devait traverser l’océan et être copié par les Américaines avec, dans ce cas, à peine un an de retard. Madame McManus le recevait peut-être pour se tenir au courant de la mode parisienne [17].

McManus, Bringing Up Father, 1914
Le Petit Écho de la Mode, 18 août 1912,
détail de la couverture (coll. part.)

Qu’un artiste de bande dessinée ait pu s’inspirer des revues de mode n’aurait rien pour étonner quand on sait que les peintres de chevalet faisaient de même [18]. Ce savoir provient aussi des catalogues de vêtements. Les costumes de Buster Brown et de sa petite amie dessinés par Richard F. Outcault proviennent tout droit des catalogues des grands magasins Sears [19]. De même, les postures et les ensembles costume et chapeau de Polly paraissent directement issus des publicités pour le magasin parisien La Belle Jardinière, en 1912.

Avant les années 70, la mode dépend du statut social de la femme et de son âge. La BD s’est emparée de ce principe de base et les personnages de papier sont invités à se conformer aux normes. La mère de famille ordinaire qui rêve de s’habiller au goût du jour est priée de ne pas faire de dépenses inutiles. Elle n’a d’autre choix que de confectionner elle-même ses habits. Chez Sidney Smith, Minerva Gump, en 1917, se fabrique ainsi un chapeau copié sur un modèle parisien vu dans une devanture de magasin, surmonté d’une immense plume de paon [20]. « Save money » est son mot d’ordre. Les femmes mûres n’ont pas à suivre la mode. Elles ne sont qu’enrobées, comme la Mama des Katzenjammer Kids (« Pim, Pam, Poum » en français), avec sa jupe rayée et son corsage à pois, l’épouse râleuse d’Andy Capp, mal fagotée dans sa robe à grosses fleurs. L’inélégance de ces femmes-là prête à rire. C’est encore le cas de Maw, la mère de Polly, croquée par Cliff Sterrett. Mais celle-ci a pour fille une superbe et élégante créature toujours à la dernière mode, qui change de robe à chaque strip, ne quitte jamais ses chaussures à talons hauts, même dans la mer ou en faisant de la marche en montagne, et dont chaque pose est inspirée du mannequinat. Le contraste entre l’aimable laideur de l’une et la beauté quelque peu hautaine de l’autre est un des éléments du comique familial américain. Une variante est celle de la femme mûre vêtue à la mode jusqu’à l’extravagance, mais déparée par un visage d’une grande vulgarité, et flanquée d’une fille ravissante, comme dans Bringing Up Father.

Aux États-Unis, dans la haute société, les jeunes mamans restent d’une élégance raffinée. Mais, dans la moyenne bourgeoisie, leur seule coquetterie doit résider dans le frou-frou de leur tablier de cuisine, comme Blondie qui, à la fin des années 50, demande à son époux une machine à coudre [21]. C’est là un grand progrès. Contrairement à la BD et au dessin humoristique, en France, les bandes dessinées publicitaires, souvent un simple strip de deux à cinq cases, mettent en scène des femmes modèles qui épargnent le tissu [22], savent teindre leurs vieilles robes pour changer leur apparence [23] et s’appliquent à rester élégantes tout en ne dépensant rien. Pimpantes, mais pas coquettes, tel est l’idéal féminin.

Peu de jeunes femmes de papier y parviennent. Les hommes ne manquent pas de le leur reprocher. Ils leur reprochent aussi un autre défaut féminin, la médisance. Parler chiffons invite à la critique mesquine. Les discussions oiseuses, dans les réceptions ou au téléphone, sur la beauté des robes portées par leurs relations, sur leur caractère passé de mode, sur leur nature appropriée ou non au contexte social, sont moquées dans Bringing Up Father. « Madame Illico porte la même robe que l’an dernier. – Détail fort intéressant » [24].

McManus, La Famille Illico, Robinson, No.180, 8 octobre 1939

Les hommes ont beau jeu de reprocher aux femmes d’être coquettes. Les « prétendus instincts de coquetterie », comme le disait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe (1949), lui seraient en réalité « insufflés par l’homme ». La femme serait donc la victime d’injonctions contradictoires, qui se reflètent largement dans la bande dessinée. Surtout victimes de leur milieu, les accuser de coquetterie ne va pas sans une certaine injustice. Sans l’homme, nul besoin de maquillage ni de chiffons coûteux, ce dont le sexe que l’on dit fort n’a pas conscience. Une héroïne des années 50, modèle pour photos de mode, surprise en petite tenue par un coup de téléphone de son chevalier servant, le beau détective à lunettes Rip Kirby, n’a que le temps de sauter dans une jolie robe avant de s’écrier : « Il va arriver et je suis affreuse ! Les hommes n’ont aucune idée de tout ce qu’une femme doit faire pour être présentable ! Après tout, c’est peut-être préférable [25]. »

De fait, dans les milieux huppés, on exigeait des femmes qu’elles changent de toilette plusieurs fois par jour, affichant ainsi le statut social de leur époux. En une époque où les dames de la bonne société se rendaient constamment visite, il importait également que leur garde-robe fît écho au cadre que constituent l’habitation et son ameublement, qui devaient aussi être au goût du jour [26]. L’écho visuel de cette exigence se lit dans la BD de la première moitié du XXe siècle. La femme de papier s’inscrit dans un cadre mobilier : elle pose élégamment devant une table ou un guéridon, elle est languissamment assise dans un fauteuil. Les humoristes en tirent une inspiration sexiste. « Il faut que je change de femme. Elle ne va plus avec mes meubles », dit en 1930 un dessin humoristique dans Ric et Rac. Dans Bringing Up Father, une dame va jusqu’à en tirer fierté : « Mon époux me préfère en vert. Il dit que cela s’accorde avec le mobilier de son bureau. » Le choix des couleurs même leur est dénié. À une amie qui lui dit que le noir lui va bien, une jeune femme qui vient de perdre son époux répond : « Oui… c’est la première fois qu’il me fait porter une toilette à mon goût » ! [27] Dans le couple, le vêtement est un élément de la domination masculine. La femme se venge en multipliant les achats et en optant pour l’outrance vestimentaire. Les dessinateurs humoristiques se moquent donc en retour des exagérations de la Mode sans jamais manquer de ridiculiser les femmes qui se plient à ses exigences.

Outrancière : crinolines, corsets et faux culs

« The Return of the Crinoline », Puck,
vol. 4, No.100, 23 juin 1906. (coll. part.)

Depuis Daumier, puis Caran d’Ache, le motif d’une mode malcommode est décliné à l’envi dans le dessin humoristique et la bande dessinée, deux genres d’ailleurs souvent pratiqués par les mêmes dessinateurs [28] : le corset trop serré [29], les crinolines trop gonflées [30], la longueur excessive de la jupe qui balaye les rues même par temps de pluie [31], tout est sujet à rires et à critiques. L’évolution de l’humour mâle suit celle de la mode. Il s’emploie d’abord à dénoncer les calamités qu’entraîne le port de la crinoline dans la vie quotidienne : cette « scandaleuse orgie » textile a des conséquences sur l’architecture des théâtres et des appartements. Puis il s’acharne sur les faux-culs et autres mauvaises tournures des robes qui trompent le regard. Dotée d’un tel accessoire vestimentaire, une dame apparemment « bien tournée » peut cacher sous sa tournure une maigreur alors dépréciée… Quand, après le retour de la crinoline au début des années 1900, s’affirme dans les années 1910 une silhouette féminine tout en longueur, Cliff Sterrett compare les deux modes à l’avantage de la nouvelle [32]. McManus la fait adopter à Maggie [33] en 1919. Hélas, les robes ne sont pas moins ruineuses : « Moins il y a d’étoffe, plus c’est coûteux », dit le dessinateur humoristique Henriot [34].

La crinoline, dont l’ancêtre est la robe à panier de la cour de Versailles, s’impose entre 1850 et 1870. D’abord élargissant la jupe sur les côtés, elle s’est ensuite allongée vers l’arrière. Le summum de l’incommodité ainsi atteint, le volume excédentaire de tissu remonte au niveau des reins sous forme d’une tournure augmentée d’un « pouf » qui accentue la courbure de la silhouette et agrémentée d’une traîne appelée « balayeuse ». « Là encore, les caricaturistes n’ont pas manqué de moquer ce disgracieux faux-cul » [35] et, surtout, de rire des femmes qui l’arborent sans vergogne. Ses exubérances textiles ont exaspéré les moralistes. Ceux-ci ne pouvaient manquer de remarquer qu’elles focalisaient l’attention sur le fessier des dames. Les époux, quant à eux, s’effraient de cette débauche de tissus, qui a une conséquence financière : « Ça devient inquiétant cette progression toujours croissante dans la circonférence des jupes. Où cela s’arrêtera-t-il ? [36] »

Les caricaturistes se déchaînent dans les années 1850-1860. Comment diantre les femmes parviennent-elles à caser leurs jupes dans un fiacre ? Comme le dit Daumier dans Le Charivari en 1865, « les dames d’un demi-monde » n’ont pas de « demi-jupe » ! Quant aux traînes, les femmes ont conscience de leur incommodité, mais elles n’en ont cure : « Traînant une longue queue dont le souci m’eût paru méprisable, je balayais consciencieusement les trottoirs » [37]. Les balayeurs de rue de Daumier se moquent donc de ces « balayeuses » : sur la croupe d’une jupe s’est accumulée la neige qui tombe à gros flocons : « Ma belle dame, faut-y vous donner un coup de balai ? » Le Charivari, qui publie ce dessin en novembre 1858, souligne d’ailleurs une date historique dans l’histoire de la crinoline, celle à laquelle ce système a affiché sa plus grande ampleur [38]. Les tenants de la « ligne claire » en couture, tel Poiret, inventeur de la silhouette longiligne [39], disaient ironiquement qu’ainsi affublées les femmes « avaient l’air de tirer une remorque » [40].

Honoré Daumier, « Croquis d’hiver », No.1,
Le Charivari, 13 novembre 1858.
« Ma belle dame… faut-y vous donner un coup de balai ? »

La crinoline fait aussi, selon les humoristes, ressembler la femme à une cloche, terme qui va finir par désigner la jupe. Très brièvement, au début des années 1880, la mode se fait collante. Mais la tournure revient, sous le nom de « strapontin ». Nouvelle occasion pour les humoristes de ridiculiser le trottin paré de cet accessoire inutile – sauf pour les voyageurs d’omnibus qui, dos à dos avec elle, peuvent s’asseoir dessus, croyant profiter du capitonnage des impériales ! [41] Même les peintres de chevalet se moquent de « l’extravagance naïve et ridicule » de cette nouvelle mode [42]… Quand la jupe cloche perd son strapontin, elle se pare de manches gonflées, alors comparées à des montgolfières.

Un trottin à strapontin.
Paul d’Espagnat, « Les nouveaux omnibus »,
Le Sourire, No.449, 6 juin 1908.

La crinoline est jugée non seulement terriblement incommode, comme le montrent une planche dessinée par Bertall [43] dans L’Illustration en 1864, et l’imagerie Pellerin, mais aussi dangereuse. Les malheureuses qui l’arborent ne risquent-elles pas de prendre feu en passant devant une cheminée ? Sont-elles sottes ! La crinoline est qualifiée dans les années 1850 de « cage à poulets » par comparaison avec la « mue », sorte de cage en osier sans fond et à claire-voie qui sert à enfermer la mère poule. Il n’échappera à personne que poule et cloche sont deux comparaisons pour le moins dévalorisantes pour le genre féminin, d’autant que cette comparaison est répandue dans les illustrés. On la trouve partout, à propos des « chapeaux hupés » (sic), avec lesquels « une femme a un petit air de poule russe tout à fait charmant » [44] dont se moquent les animaux du zoo [45], et qui, ornés d’oiseaux au naturel, finissent par s’envoler [46].

Quand les jeunes héroïnes à la mode, telle Polly, adoptent la tournure fin-de-siècle, c’est l’occasion pour le dessinateur de caricaturer leur démarche peu naturelle, déjà observée par les peintres [47], les fesses projetées vers l’arrière, le buste plongé en avant et la tête bien relevée pour garder l’équilibre… Polly déambule ainsi sur la 5e avenue, à New York, en 1912, et les passants trouvent cette nouvelle mode cocasse : « C’est plus drôle qu’au cirque », disent-ils. La tournure de Polly est une exagération de la fameuse cambrure du XIXe siècle dépeinte par des artistes comme Daumier ou Gavarni [48]., qui aboutit à la silhouette en S [49], une contrainte physique de plus pour le genre féminin.
Autre contrainte, et non des moindres, le corset. Jugé indispensable par les femmes de toutes corpulences, à en croire Nadar dans les Folies parisiennes [50], pour pouvoir suivre la mode [51], cet accessoire a suscité l’hilarité des humoristes et de leurs lecteurs de sexe masculin. Le motif de la grosse dame dont la femme de chambre a du mal à serrer les lacets du corset est un poncif des dessinateurs, qui entend critiquer l’inutile coquetterie des dames mûres. On trouve ce motif aussi bien dans le dessin humoristique que dans la publicité [52]. Souvent représenté, le corset est pour la femme un exosquelette, une armure. Pas touche ! Quand, à sa demande, Pah pique du doigt le dos de Polly, dûment corsetée, il se le casse ! Corsetées depuis Nadar, dans les Folies parisiennes [53], les femmes le sont encore chez McManus, au milieu des années 50 ! [54]

Paul d’Espagnat, « Les avantages du nouveau corset », Le Sourire, No.414,
5 octobre 1907.

Heureusement, bientôt suivra la gaine, un confort appréciable : « Il fallait être fou pour se serrer autant la taille », dit l’héroïne de « Nevermode » en essayant les costumes d’un musée de la Mode [55]. On connaît l’étonnante résurrection du corset dans la mode contemporaine, par Vivienne Westwood, Chantal Thomass, Christian Lacroix, « jusqu’à ce Jean-Paul Gaultier qui ose relancer les corsets 25 ans après la libération de la femme », comme le dit le professeur Minet dans Lili chez les top models.

Pour être honnête, il faudrait ajouter que les femmes ne furent pas les seules cibles des humoristes car la mode permettait à l’homme aussi de remodeler son corps. Sans même parler des dandys, qui avaient également adopté le corset, toujours en usage à Londres en 1906 à en croire l’édition parisienne du Herald Tribune [56], les larges vestes à épaules carrées permettaient de tromper son monde. Quand il tombe la veste, le jeune représentant du genre masculin croqué par Cliff Sterrett dans les années 1910 apparaît bien maigrelet et les épaules tombantes [57]… Mais le nombre de gags concernant le premier sexe est incommensurablement moins élevé que celui qui se moque du deuxième…

Déraisonnable et victime de la mode

Dès 1864, les femmes sont perçues comme des « victimes de la mode », titre donné à une planche consacrée par Bertall aux crinolines [58]. Même adeptes du nu intégral, les naturistes des années 30 ne peuvent s’empêcher de lire des journaux de mode : La Mode, Paris-Mode, Sports & Modes, La Couture, Chapeaux [59]… Encore aujourd’hui, le professeur Minet, mentor de l’espiègle Lili, s’offusque de ce qu’elle puisse travailler dans une maison de couture, celle de Jean-Paul Gaultier. « Vous n’y pensez pas ! Travailler pour un corps de métier qui a asservi la femme pendant des siècles et qui continue à imposer son diktat à de jeunes écervelées ! » [60]. Le motif de la mode, « cet univers de superficialité où triomphe le culte des apparences », permet de mettre en relief le défaut, forcément féminin, de « futilité », un terme récurrent, qu’on le décline ou non de manière humoristique, comme dans Métal Hurlant [61]. L’accusation de futilité vient aussi de ce que la mode reste attachée « aux catégories appliquées à tenir leur rang dans la hiérarchie sociale, c’est-à-dire qui s’estiment supérieures à certaines autres », comme le disait Simone de Beauvoir. Avant-guerre, les femmes de la haute bourgeoisie, assujetties à des obligations sociales nombreuses et complexes, sont invitées à se changer jusqu’à quatre à cinq fois par jour et à ne jamais se montrer dans la même toilette. Une dame ne s’habille pas de la même manière le matin, l’après-midi, à l’heure du thé, le soir, chez soi ou en visite. La Mode est pour ces femmes une chose sérieuse, qui s’apprend dès l’enfance [62], et si la BD se moque volontiers de ces pratiques sociales, leur représentation n’en charme pas moins les lectrices. Ainsi, la grande sœur de Bicot « apporte aux aventures de son frère tout le charme de son élégante jeunesse » [63].

La légèreté supposée de la Mode a entraîné tout un vocabulaire dénigrant l’intérêt féminin pour les « chiffons » : elles ne s’occupent que de « frous-frous » (titre d’un magazine léger, pour les hommes faut-il le préciser, des années 1900) et autres « falbalas » – nom donné en 1962, dans une aventure d’Astérix, La Serpe d’or, à une jeune et blonde Gauloise qui attend le retour des héros avec impatience pour connaître la toute dernière mode de Lutèce. Dans la BD, l’appétence pour les toilettes est présentée comme intemporelle : c’est « l’éternel féminin ». N’est-ce point Ève qui, en croquant la pomme, a inventé les factures vestimentaires [64] ? Les femmes préhistoriques font assaut de coquetterie et se montrent promptes à dénigrer les jupes en pierre taillée démodées de leurs semblables [65]. Les femmes médiévales vont à Paris pour se réapprovisionner en toilettes, comme Aleta dans les années 70, qui l’écrit ensuite à son époux, Prince Vaillant : lui qui n’a peur de rien se met à trembler à la seule pensée de la facture…

Une note double. René Vincent,
« Chacun juge à son point de vue »,
La Vie parisienne, 55e année, No.3,
20 janvier 1917.

Dépensière et compulsive

Représenter le genre féminin avide d’achats par nature, nouvelle occasion de brocarder la femme, est une constante du genre humoristique. Dans la rue, l’une des images de la femme les plus courantes est de la montrer « de volumineuses boîtes de mode portées à chaque bras » [66]. L’essayage d’une nouvelle robe ou d’un chapeau neuf devant son miroir, symbole de la coquetterie, l’empilement des cartons de modiste ouverts devant le bonheur du jour, sont des motifs récurrents du dessin d’humour et de la bande dessinée. Tout commence par le lèche-vitrine, auquel s’adonnent même les femmes mûres. Avec sa cruauté habituelle, en avril 1902, le peintre et illustrateur Abel Faivre, directeur du journal Le Rire, dépeint ainsi le vieux couple dont l’époux, devant le prix des chemisiers montés sur un mannequin de buste, dit : « Je connais des maisons où pour le même prix on a la tête et les jambes ! »
Pis encore, les épouses légitimes imposent à leur mari de les accompagner dans leurs courses vestimentaires et surtout de porter l’accumulation déraisonnable de paquets qui en découle. L’époux ne manque pas de protester devant les exigences féminines, voire de s’y opposer. C’est l’occasion de disputes mémorables. « Regarde les plantes ! Est-ce qu’elles remettent leur feuillage de l’année dernière ? », demande, offusquée, une des Parisiennes de Kiraz, tandis que, devant la vitrine d’un magasin de mode, son mari lui jette un regard furibond [67]. Et les artistes de BD de montrer les femmes en larmes pour n’avoir pu obtenir le droit de s’acheter une nouvelle robe ou un chapeau neuf. « Boo ! Hoo ! Je viens juste de subir une nouvelle éructation économique de papa ! », dit Polly en 1926. La mère s’empresse d’aller intercéder. « Boo hoo ! ça fait deux ans que je porte la même vieille robe », s’écrie la maîtresse de Félix le chat [68]… « Je n’ai pas eu de nouvelle robe depuis six mois », dit Lois en pleurant [69]… L’époux s’en va en bougonnant : « Les femmes passent leur temps à réclamer ! » C’est l’occasion de ridiculiser les femmes, comme le fait Dubout dans Ric et Rac en 1930 : « Crise de larmes ! On a refusé un chapeau à madame ! ».

Brian Walker et Dik Browne, Hi and Lois,
America’s Greatest, 27 août 1939.

Le motif conjugal de l’achat de robes ou de chapeaux donne lieu à des protestations masculines indignées. Jiggs ne supporte pas de recevoir les factures des modistes : « Ah, ces femmes ! Elles ne pensent qu’à faire des dépenses » [70]. Il est harcelé financièrement par sa fille : « Toujours des robes … Mais papa, je n’avais plus rien à me mettre » [71]. Ou par sa femme : « J’ai besoin d’un nouveau chapeau, chéri ». Cette phrase, un motto de la série Outside the asylum (1913), est récurrente chez McManus. Ce comique de répétition s’accompagne de commentaires insultants : « Évidemment tu en as besoin ! Tu as toujours besoin d’un nouveau chapeau ! Qu’est-ce que tu en fais ? Tu les manges ? » Ce poncif trouve aussi à s’exprimer dans la publicité réaliste en bande dessinée, où la femme est tout autant rabrouée [72].

La phrase « Je n’ai plus rien à me mettre » est omniprésente dans la BD. Gai-Luron tourne ce poncif en ridicule [73]. Maïtena se moque de la femme moderne devant un dressing « plein de rien », autrement dit plein à craquer. La vilaine cousine de Lili chez les top models la prononce, fatalement. Il y a même une variante toute récente : « Je n’ai rien à me mettre et je ne sais pas quoi acheter » [74] ! Quand on en arrive là, on achète quand même… une petite robe noire, dont Pénélope Bagieu possède pas moins de neuf exemplaires dans son armoire [75]…
C’est que la femme est aussi, autre défaut, une acheteuse compulsive. Il lui faut à tout prix se procurer les modèles qu’elle a pu admirer en déambulant dans les rues, en faisant les vitrines, ou tout simplement en restant assise sur un banc pour regarder défiler les passantes, comme Maggie dans les années 1910. Autant d’occasions de prendre connaissance des nouvelles modes, et, pour les dessinateurs, de se moquer d’un autre travers jugé typiquement féminin : le besoin irrépressible de calquer son apparence sur un modèle. Cette attitude fait l’objet d’une série de sunday pages de Wallace Morgan, auteur manifestement sensible à la sociologie des tendances et fin observateur de la diffusion verticale de la mode [76] : une jeune fille du monde, Miss Fluffy Ruffles, toujours à la dernière mode, décide en février 1908 de donner des cours à de jeunes ouvrières. Quelque temps après, toutes les femmes sont vêtues comme elle ; elles n’ont rien écouté ni appris, sinon les modèles de robes et de chapeaux qu’elles ont copiés sur Miss Fluffy. Celle-ci invente-t-elle un nouveau modèle de robe, en novembre 1907, aussitôt « they were duplicates of Fluffy Ruffles everywhere » vêtues de robes copiées par centaines par « a hundred busy needles flue to duplicate the gown… ».

Wallace Morgan, Fluffy Ruffles, registre supérieur,
New York Herald, European edition, Paris, 17 novembre 1907.

Ce désir de singer le beau linge est facilité par une invention majeure, celle de la machine à coudre qui assure la diffusion de la mode, ce dont la BD rend compte [77], mais quelque cinquante ans après l’invention de l’objet, se faisant ainsi le témoin de la lente industrialisation des infrastructures de la mode [78].
Ces épisodes paraissent faire écho aux écrits d’un Georg Simmel dont la Philosophie de la mode, en 1905, explique que « les modes de la classe la plus élevée se différencient de celles de la classe inférieure, et elles sont abandonnées sitôt que la classe inférieure commence à se les approprier » [79]. Une aventure de Connie, héroïne des années 30, se montre aussi sensible à ce phénomène compulsif d’appropriation de la mode par les masses : toutes les femmes veulent copier le costume d’aviatrice de la belle exploratrice. Les grands magasins fabriquent des mannequins à son effigie et diffusent sa ligne vestimentaire. Dans la rue, toutes sont désormais costumées en aviatrice. Les grands couturiers sont au fait de telles attitudes. Yves Saint Laurent, dans La Vilaine Lulu, raconte comment une « véritable fièvre s’empare de toutes les petites filles qui veulent ressembler à leur idole », la vilaine Lulu, devenue cover girl. Elles en achètent la panoplie complète [80].

À défaut de savoir se confectionner ses toilettes ou ses accessoires de mode, il ne reste plus à la femme qu’à les voler. Cet autre vice compulsif typiquement féminin est l’occasion de créer un personnage secondaire non sans intérêt, celui de la voleuse. Grands magasins et kleptomanie ont partie liée. La femme, cette pie voleuse, y dérobe des bijoux, des bas de soie… On volait déjà, dans Le Bonheur des dames, de Zola, en 1883. Cent ans plus tard, dans la BD, le personnage de la voleuse compulsive, jeune ou vieille, pauvre ou riche, comme l’élégante vieille dame dans la boutique de mode de Juliet Jones [81], est un stéréotype récurrent. Simone de Beauvoir lui a même consacré même quelques lignes [82]…

Si la femme est accusée d’être dépensière tout au long de l’année, plus rien ne l’arrête à la saison des soldes. Les soldes des grands magasins ont eu l’honneur d’une représentation picturale dès 1898, avec un triptyque de Félix Vallotton consacré au Bon Marché [83]. La bande dessinée a aussitôt emboîté le pas à la peinture pour railler ces femmes qui font le pied de grue devant les portes du magasin dès l’aube et sont prêtes à « braver la mort », comme le dit Pénélope Bagieu, pour un colifichet. Exceptionnellement, un époux chevaleresque remplace sa moitié dans ces « aventures frénétiques », comme les qualifie Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe [84]. M. Newlywed (traduit en français par « M. et Mme Nouvomarié »), qui souhaite offrir un chapeau à la dernière mode de Paris à sa jeune épouse adorée, choisit d’affronter le « rush » des vieilles coquettes : il sortira sur un brancard [85].

La folie des soldes. Puck, vol. III, No.76, 6 janvier 1906.

Tout au long de son histoire, la BD abonde en scènes de ce genre, qui ne donnent pas le beau rôle au genre féminin. Dans Archibald, une série préhistorique de Jean Ache publiée dans Pilote, les hommes, pour attraper une femme, fabriquent une fausse boutique de vêtements à l’enseigne des « Galeries préhistoriques » et affichent en vitrine des mots magiques : « Dernière mode, rabais, soldes », car « Il n’y a rien qui attire plus une femme que le mot ’soldes’ » [86]. Le top model de Victime de la mode [87] n’éprouve aucune émotion en passant devant Notre-Dame de Paris mais crie de plaisir en voyant le panneau géant qui surmonte la Samaritaine : « Soldes monstres » !

Culottée et dévergondée

La mode est pour la femme, celle en chair et en os comme celle de papier, qui lui fait écho, l’occasion rêvée de sortir des obligations de son sexe, particulièrement la pudeur. Le décolleté est reproché aux femmes depuis au moins le XVe siècle, avec le Livre du chevalier Landry pour l’éducation de ses filles. Quatre siècles plus tard, les hommes s’en offusquent encore et toujours sans succès, ainsi l’époux dessiné par Grevin en couverture du Petit Journal pour rire, vers 1865 [88]. De Jiggs au compagnon de Margaux Motin, tous les hommes, incrédules devant le look de leur épouse, de lui dire : « Tu ne vas pas sortir comme ça ??? » Mais protester est peine perdue, car les femmes n’ont pas froid aux yeux. Après s’être décolleté la poitrine, elles se dénudent le dos. Les robes dos nu à décolleté plongeant de la fin des années 1920 scandalisent le père de Polly : « Enlève-moi ça tout de suite ! Ma fille n’apparaîtra pas en public dans cet habillement scandaleux ! ». La garde-robe, qui était déjà un problème financier aux yeux des pères, devient désormais une question de morale publique : « Keepin’ a daughter in clothes is no longer a matter of finances. »

La masculinisation de la mode féminine, qui touche autant la vêture que la coiffure, est un autre des reproches faits aux femmes. Non contentes de se coiffer à la garçonne, elles ne perdent pas une occasion de pouvoir porter la culotte. Le premier pantalon féminin, inventé par Amelia Bloomer vers 1850, a donné lieu à maints gags et à quantité de réactions négatives. Garni de dentelles et pourtant porté sous une jupe, il a déclenché l’ire des hommes qui se disent outragés par cette mode. Dès 1851, les journaux humoristiques tels que Punch se sont fait l’écho des critiques masculines [89]. Dans les années 1890, le pantalon de sport s’impose pour les femmes cyclistes, mais il est toujours jugé « garçonnier » [90]. Les personnages de BD se font les porte-parole de la société masculine de leur temps : « It’s a shame the way these women walk around in men’s clothes […] the police will arrest them », dit un agent de police à Jiggs en 1925.

McManus, Bringing Up Father, No.9,
New York, Cupples and Leon Co., 1925.

En 1943, la guerre permet aux femmes de porter la culotte. À l’usine, au jardin, les émules de Rosie la Riveteuse adoptent la salopette. Jiggs – à l’image des lecteurs – ne s’en offusque pas moins de voir sa fille vouloir aller faire les boutiques en pantalon. Dans la rue, opter pour le pantalon reste un choix délicat encore dans les années 50. Mamie l’arbore pour l’abandonner aussi vite – surtout par jour de grand vent, parce que les hommes ne sifflent plus sur son passage [91]…
Le short est tout autant contesté. Il est loin encore d’être un vêtement à la mode : les couturiers ne vont l’adopter que dans les années 70. Il a beau être un vêtement pratique, le genre féminin transgresse en le portant les limites de son sexe traditionnellement fixées par les hommes, qui lancent dans les journaux des campagnes contre le short [92]. Dans le Dimanche-Illustré du 9 juillet 1939 est publié un article américain illustré par Rodaly racontant les émeutes déclenchées aux USA par la « brûlante question des shorts ». « Comme les étés y sont torrides, les femmes adoptaient pendant la belle saison une tenue commode et légère. Pour lutter contre la canicule, elles remplaçaient la jupe traditionnelle par ces sortes de culottes courtes que l’on appelle shorts ». Ce fut jugé insupportable. Le vêtement doit rester genré, la femme n’a pas le droit d’arborer des tenues traditionnellement masculines.

Mais la pièce vestimentaire la plus contestée est le maillot de bain, qui scandalise au fur et à mesure qu’il s’allège. Un dessin humoristique de septembre 1919 fait s’écrier aux passants qui regardent les femmes ayant abandonné le « costume de bain » au profit du maillot : « Que de nues ! ». Si les hommes apprécient les maillots de bain, c’est uniquement chez les autres femmes que leurs filles et épouses. À la plage, en 1925, Jiggs, pourtant appréciateur de beautés nautiques, renvoie sa fille se rhabiller. Le Wash Tubbs de Roy Crane, en 1932, se bouche les yeux en examinant l’évolution de la mode du maillot de bain de 1890 à 1950 [93]…

Roy Crane, Wash Tubbs, 1932.

Le professeur Nimbus fait encore de même dans Le Matin du 6 septembre 1943 ! L’évolution du maillot de bain est d’ailleurs une des illustrations favorites, dans la BD, de l’évolution rapide de la mode. Mais pas des mœurs… Dix ans plus tard, alors que le maillot de bain raccourcit encore et opte pour le dos nu, les héroïnes de Cuties, de E. Simms Campbell, se font arrêter pour avoir porté des costumes de bain trop légers [94]. Le discours est tout différent quand une femme s’adresse à d’autres femmes dans la rubrique mode d’un quotidien : « La mode s’est emparée du costume de bains, elle en a fait la tenue la plus exquise qui soit… » et elle permet aux femmes de pratiquer les sports nautiques sans entraves [95].
Les amateurs de mode balnéaire ne pouvaient pas imaginer que le corps de mode irait jusqu’au bikini, adopté par Little Annie Fanny [96], et au monokini qui provoqua un « scandale sans précédent » [97]. Nul ne pouvait imaginer que les femmes iraient encore plus loin en osant les blouses transparentes et les robes en macramé à mailles larges portées sur la peau nue, qui, dans les années 70, allaient faire le bonheur des dessinateurs humoristiques des journaux masculins, notamment Playboy. Les femmes ainsi vêtues sont suivies des yeux et se plaignent d’être déshabillées du regard [98]… Jusqu’où une femme est-elle prête à aller pour paraître à la mode ? Pour les cartoonists de Playboy, jusqu’au bout : dans le costume d’Ève, et ce, dans une soirée branchée. Et le public féminin, en mini-jupe, de se demander quel couturier a si bien déshabillé la belle : « Givenchy ? Gernreich ? St. Laurent ? Cardin ? » [99].

Cette indécence naturelle prêtée au genre féminin ne cesse donc jamais d’être dénoncée par les hommes. Pourtant, ceux-ci ne manquent pas d’en profiter pour se rincer l’œil. Jiggs, par exemple, apprécie les déambulations dans les rues de passantes vêtues avec coquetterie, qu’il voit comme autant de défilés de mode. À partir des années 60, la mode courte et collante permet de renouveler le gag. Assis à la terrasse d’un café, les hommes du début des années 70 vus par Charmoz passent leur temps à apprécier les tenues plus ou moins courtes et déshabillées des femmes de Saint-Tropez [100], haut-lieu des excès vestimentaires.

Les vrais fashion victims : les maris

À en croire les dessinateurs de BD, et en dépit du plaisir qu’ils prennent à déshabiller du regard les passantes, les vraies victimes de la mode, ce seraient les maris et les pères. Lorsque Polly demande à son Pah comment il trouve sa nouvelle tenue, il répond laconiquement : « Combien ? », et s’évanouit en apprenant le montant de la facture. Non seulement la femme est dépensière, mais encore elle monopolise l’argent du ménage à son seul profit, refusant au malheureux mari la réparation par le tailleur, trouvé trop cher, d’un pantalon troué et se contentant d’y coudre une pièce de tissu à carreaux. Au Club des Hommes mariés, l’un des membres conclut avec résignation : « Un homme marié est heureux s’il possède un pantalon… » [101]. À la fin d’une journée de shopping, en août 1936, Jiggs, lessivé par son épouse et sa fille, n’a plus de quoi s’offrir le complet et le chapeau neufs dont il avait besoin et doit se contenter de faire lustrer son vieux couvre-chef… Quand madame Van Swagger, de Russ Westover, part avec son époux faire les boutiques pour lui acheter un chapeau, c’est invariablement elle qui en profite. Le pauvre mari n’a plus qu’à se plaindre : « Il est trop tard maintenant pour m’en acheter un ! » De toute façon, comme le dit Maggie, « les hommes n’ont aucun goût ». Seules les femmes décident de ce qu’ils ont le droit d’acheter en matière de costumes ou de couvre-chefs. En 1906, le malheureux Leander se voit infliger les injonctions de son encombrante belle-mère qui entend décider pour lui de ce qui est « stylish » [102].

F. M. Howarth, « Such is life with a mother-in-law ! »,
Chicago Examiner and American, 21 octobre 1906.

Il en est toujours de même dans les années 60, comme dans Flop family où, exaspéré, le mari demande à son épouse, au cinquième essayage de chapeau : « Do I like this one, darling ? » [103].

De toute façon, les hommes ne savent pas acheter. Ils manquent d’esprit pratique. Ils se trompent de taille, font des économies pour n’avoir au bout du compte que de mauvais habits qui déteignent, rétrécissent ou pire [104]. Ils ne remarquent pas que le tailleur les gruge, objet d’un strip de Walter dans Ric et Rac, en 1936. En somme, les époux n’ont qu’à payer les factures et porter les paquets. Ces sherpas de la mode encombrés de cartons suivent leurs épouses avec résignation dans leurs courses. Rien ne leur est épargné. C’est l’occasion de mettre en évidence un autre défaut féminin : les femmes mettent trop de temps à faire les magasins. Jiggs s’endort dans un magasin de literie tandis que Maggie examine successivement les vitrines de chaussures, de chapeaux, de manteaux, de tissu et de bas… D’autres attendent indéfiniment au volant de leur voiture leur épouse qui fait du shopping [105].

Les femmes ont un autre défaut rédhibitoire : elles sont non seulement exigeantes, mais aussi intéressées. Elles jugent les hommes sur leur capacité financière à les habiller. Qu’une épouse de député commette l’adultère et soit retrouvée « sans costume », sinon celui d’Ève, n’a rien pour les étonner : « Ce n’est pas avec les quinze malheureux mille francs qu’il gagne par an, que sa femme peut se vêtir décemment. » S’ils ont été économes, l’épouse leur dit : « Bravo, avec ces économies, tu vas payer mes notes de modiste ! » [106]. C’est ce qui fait dire à un malheureux mari, devant une accumulation de cartons que vient d’apporter un coursier : « Tout de même, avant qu’on ait inventé les robes, les chapeaux, les bas de soie… Les hommes devaient en faire, des économies !... » [107].
Les jeunes femmes entretenues savent quant à elles s’attacher un « Homme de bonne compagnie », prototype littéraire dont la définition est donnée en 1925 par Anita Loos : « Vous pouvez en effet lui téléphoner à n’importe quelle heure et lui demander de vous accompagner dans les magasins : il en sera toujours ravi – Ce n’est pas le cas, je crois, de beaucoup d’hommes » [108]. De fait, les maris de la bande dessinée détestent tous faire les courses avec leur femme.

Pour conclure

Dans la BD de la seconde moitié du XXe siècle, suivre la mode n’est plus un défaut mais l’occasion de faire apparaître sa vraie personnalité – « It’s me ! », dit Lois, devant la glace de la cabine d’essayage, en essayant un ensemble pantalon à pattes d’éléphant [109].

« It’s me ! ». Brian Walker et Dik Browne, Hi and Lois,
San Francisco Sunday Examiner & Chronicle, 18 mars 1973.

Aujourd’hui, les histoires qui s’intéressent au système vestimentaire sont le plus souvent composées par des femmes pour des femmes qui, en s’habillant de multiples façons, se forgent une personnalité : il s’agit alors de « girl-dentities », terme cousu-main par la dessinatrice Nina Cosford [110]. Comme le dit une autre autrice à la mode, Pénélope Bagieu, « Mes fringues parlent pour moi » : les dessinatrices ont sans doute lu les sociologues de la Mode, pour qui la question de l’identité est aujourd’hui première dans ce domaine [111].

La plupart des fautes morales reprochées aux femmes par des générations d’hommes, sur le mode humoristique ou non, n’en sont plus. Être une acheteuse acharnée est devenu la norme. La figure de la « consommatrice compulsive » s’est répandue dans les années 1990, avec les Suburban cowgirls, dont l’héroïne, Maxine, tel le Yellow Kid, affiche ses sentiments sur son tee shirt – jamais le même, par exemple « Just looking » dans un grand magasin, au rayon vêtement [112]. Ces trentenaires mères de famille habitent en banlieue et partent en expédition guidées par une coach : « Le shopping urbain n’est pas pour les cœurs sensibles » ! Elles sont fashion addict plutôt que fashion victim, se sentent « toutes puissantes et euphoriques » quand elles font une bonne affaire. Certes, elles ont toujours des défauts. Mais ce ne sont plus des hommes qui les en accusent. Elles se moquent d’elles-mêmes, ces trentenaires qui portent des jeans trop serrés, comme Maxine, ou qui s’efforçent de rentrer dans une taille 38 alors qu’elles font une, deux ou trois tailles de plus, comme Cathy [113]. La séquence dans la cabine d’essayage est devenue culte.

Pénélope Bagieu, Joséphine, Le Livre de Poche, (2010) 2012.

C’est la « théorie de la contorsion », selon Margaux Motin, ou celle du complot, pour Pénélope Bagieu [114]. Si Cathy Guisewhite, puis Maïtena, avaient mis en exergue « ces trucs qui nous font culpabiliser », et notamment le fait de dépenser compulsivement, les récentes histoires girlies de « fashion weak » ont changé la donne. Les lectrices sortent déculpabilisées de la lecture des autobiographies vestimentaires féminines de Margaux Motin ou de Pénélope Bagieu. Certes, ce nouveau sous-genre connaîtra sans doute vite ses limites. Il ne concerne que les jeunes branchés des grandes villes ou les trentenaires bobo et ne sera peut-être pas longtemps un phénomène d’édition.

Maïtena, dans Les Déjantées [115], ironisait sur les multiples façons de se créer un personnage, jugées mauvaises pour la plupart, comme de « récupérer ses vêtements hippies des années 60… et les porter à 60 ans », ou encore « acheter ce qui fait fureur et le porter sans pudeur ». Si, dans Tournants dangereux, elle s’autorise encore à comparer les chaussures à talons hauts, féminines, aux baskets, laides mais confortables, tel n’est plus le cas passé l’an 2000. Des questions existentielles se posent désormais à la femme. Nina Cosford de s’inquiéter : Quelle sorte de femme suis-je ? Que porter ? Quel soutien-gorge choisir ? Qu’est-ce que mes chaussures révèlent de ma nature profonde ? (ou de celle que je voudrais faire croire que je suis ?) ou, quand les talons sont démesurés, puis-je courir avec pour attraper le dernier train ? Margaux Motin va jusqu’à se demander : « Pourquoi posséder tant de paires de chaussures ? ». Pour Fabienne Legrand, « la mode est au retour des valeurs simples avec le droit de vivre nu […] tout en admettant qu’il est impossible de survivre sans une robe Saint Laurent et des Louboutin » [116]. Le décalage est affiché dès le début de son album J’aurais adoré être ethnologue. Le frontispice est illustré… par une collection de paires de chaussures à hauts talons. Toujours des Louboutin... Cet accessoire de mode consubstantiel à la fashionista fait également la couverture de la Théorie de la contorsion, de Margaux Motin. La maman des Triplés de Nicole Lambert, pour qui c’est fashion week tous les jours, les adore elle aussi [117], même si les stilettos lui font mal aux pieds.

Nicole Lambert, Les Triplés, « Fashion week »,
Madame Figaro, 25 septembre 2015

La femme reste prête à tout pour satisfaire son irrépressible envie d’être à la mode. Si elle ne jure que par les grands couturiers, Margaux Motin se satisfait de moins, mais il lui en faut tous les jours. Chez les Eskimos, avoue-t-elle, elle aurait recherché une boutique Prada, un Comptoir des cotonniers. Dans les cas vraiment désespérés, elle se contente même d’un H & M.

Acheter de manière compulsive selon son état sentimental ou psychologique n’est certes pas le privilège des fashionistas modernes. Le phénomène, dans l’art littéraire, a commencé avec Emma Bovary. Mais l’argent n’est plus un problème. On ne se suicide plus pour dettes. Les injonctions contradictoires sont assumées. Les femmes sont devenues autonomes. Hier, elles présentaient la facture au mari ; aujourd’hui, comme Margaux Motin ou Pénélope Bagieu, elles tablent sur le découvert autorisé par la banque, puis sur la négociation avec leur gestionnaire de compte. Certes, ces autrices ont dompté leur rapport à la Mode et coupé l’herbe sous le pied des humoristes masculins qui les ont si longtemps critiquées. Mais elles n’en confinent pas moins la femme actuelle dans sa représentation séculaire, celle de la futilité.

Danièle Alexandre-Bidon

Docteur en histoire, élève de Pierre Couperie et collaboratrice de Françoise Piponnier, spécialiste du système vestimentaire médiéval, Danièle Alexandre-Bidon est membre du Centre de recherches historiques de l’EHESS. Elle a travaillé sur l’image de la femme au Moyen Âge et sur l’apparence (dans 100 000 ans de beauté, Paris, Gallimard, 2009). Spécialiste de la culture matérielle entre XIIIe et XXIe siècle, elle étudie les représentations tant médiévales que contemporaines du quotidien à travers la BD.

[1] H. G. Peter, « Dame Fashion’s Merry-go-round », Judge Magazine, v. 1908.

[2] Image publiée dans Georges Vigarello, La Robe, une histoire culturelle du Moyen Âge à aujourd’hui, Le Seuil, 2017, p. 99.

[3] Miss Sloper, « Fashion Fancies », No.67, « The ‘June’ Costume », Ally Sloper’s Half Holiday, vol. II, No.57, 30 mai 1885.

[4] Gustav Verbeck, « Une bonne capture », Cocorico, 2e année, No.6, 20 mars 1899.

[5] Fabienne Legrand, Absolument fabuleuse, Le Cherche-Midi, 2018.

[6] Image publiée par Thierry Smolderen dans Naissances de la bande dessinée, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2009, p. 15.

[7] George Cruikshank, Comic Alphabet, chez l’auteur, Pentonville, 1836, réédité par The Art Council of Great Britain, s.d.

[8] Puck, vol. 4, No.92, 28 avril 1906.

[9] Georges Montorgueil, La Parisienne peinte par elle-même, illustré par Henry Somm, Librairie L. Conquet, 1897, partie « La Mode et l’Art ».

[10] Ethel Hays, « A sporting decision », 13 janvier 1935. Image publiée dans Brian Walker, The Comics before 1945, New York, H. N. Abrams, 2004, p. 251.

[11] G. Montorgueil, La Parisienne…, op. cit., p. 189.

[12] Voir par exemple le « costume pratique pour les p’tites femmes qui font de l’œil », de Gerbault, en couverture de La Vie en rose, 3 août 1902.

[13] Voir le petit album de Gyp, Les Gens chics (images coloriées de Bob), Charpentier et Eugène Fasquelle, 1895

[14] John Steinbeck, Un Américain à New-York et à Paris, René Julliard, 1956.

[15] Carl Ed, « Harold Teen and Lillums Lovewell », All in the day’s work, 1er novembre 1924. Image publiée dans B. Walker, The Comics…, op. cit., p. 119.

[16« Charge without reconnaissance », dans Milton Caniff, Male Call, New York, Grosset & Dunlap, s.d.

[17] Voir la couverture du numéro du 18 août 1912. Maggie porte un tel chapeau en 1913.

[18] Marie Simon, Mode et peinture. Le Second empire et l’impressionnisme, Hazan, 1995, p. 177 sq.

[19] Voir JoAnne Olian, Children’s Fashions 1900-1950, as pictured in Sears Catalogs, New York, Dover Publications, 2003.

[20] Sidney Smith, The Gumps, 1917. Image publiée dans Bill Blackbeard et Martin Williams (éd.), The Smithsonian collection of Newspaper comics, SIP et Harry N. Abrams Inc., 1977, p. 71.

[21] Chic Young, Blondie, New York Journal American, 8 février 1959.

[22] Publicité pour Tropyca, « Le shampoing des bas et de la lingerie », Le Matin, 6 septembre 1943.

[23] Publicités en bandes dessinées pour l’entreprise Père Cygne, qui a créé le personnage de la jolie et économe Percygnette… Voir par exemple La Dépêche du Centre, 10 octobre 1941 ; L’Écho de Nancy, 10 décembre 1941 ; Le Journal de Roubaix, 28 novembre 1942, 24 décembre 1943, etc.

[24] McManus, La Famille Illico, Robinson, No.180, 8 octobre 1939 ; et No.196, 28 janvier 1940.

[25] Alex Raymond, « L’or du capitaine Stone » [février-mai 1953], Rip Kirby, t.9, Grenoble, Glénat, 1982.

[26] Le journal Modes parisiennes illustrées détaille ainsi le contenu de ses rubriques : « Fashions, toilettes, ameublements, théâtre, livres nouveaux, romans, poésies, causeries ».

[27] Mars Trick, « La consolation des veuves », dessin humoristique, Le Bon Temps, 2e année, No.7, 12 février 1914.

[28] Voir par exemple Paul d’Espagnat, Le Sourire, 6 juin 1908.

[29] P. Espagnat, « Les avantages du nouveau corset », Le Sourire, 9e année, No.414, 5 octobre 1907.

[30] Voir Henri Avelot, « Au temps de la crinoline. Pensionnat de jeunes filles allant visiter un camp d’infanterie », Le Rire, 8e année, No.397, 14 juin 1902.

[31] « Dove comincia l’orlo delle gonelle », Almanacco illustrato del Giornale Secolo, 1892.

[32] Cliff Sterrett, Polly and her pals, A Complete Compilation : 1912-1913, introduction par Bill Blackbeard, Westport, Hyperion Press, 1977.

[33] McManus, Bringing Up Father, Comic section of the Chicago Herald and Examiner, 20 avril 1919.

[34] Cité par G. Vigarello, La Robe…, op. cit., p. 156

[35] M. Simon, Mode et peinture…, op. cit., p. 58.

[36] « Apogée de la crinoline », Pellerin, Épinal, 1859. BnF, image publiée dans G. Vigarello, La Robe…, op. cit., p. 108.

[37] Georgette Leblanc, Mémoires, citée par Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe [1949], chapitre VII, « La vie de société », Gallimard/France Loisirs, 1990, p. 798.

[38] M. Simon, Mode et peinture…, op. cit., p. 46.

[39] Georges Vigarello, La Silhouette, naissance d’un défi du XVIIIe siècle à nos jours, Le Seuil, coll. “Points histoire”, 2012, p. 87-88.

[40] Poiret, cité par Guillaume Erner, Victimes de la mode ? Comment on la crée, pourquoi on la suit, La Découverte, 2004, p. 27-28.

[41] Paul d’Espagnat, « Les nouveaux omnibus », dessin humoristique, Le Sourire, 10e année, No.449, 6 juin 1908.

[42] M. Simon, Mode et peinture…, op. cit., p. 64-65.

[43] Image reproduite dans G. Vigarello, La Robe…, op. cit., p. 114.

[44La Vie parisienne, par Marcelin. Mœurs élégantes, choses du jour, Fantaisies, Voyages, Théâtres, musiques, modes, 1ère année, No.6, 7 février 1863.

[45] Van Straelen, « À la dernière mode », Dimanche-lllustré, No.837, 12 mars 1939.

[46] Luc Leguey, « Fantaisie », La Jeunesse illustrée, No.243, 20 octobre 1907. Rappelons que le terme de « fantaisie » signifie Mode dans le Littré de 1873-1874.

[47] James Tissot, « Octobre », 1877. Montréal, musée des Beaux-Arts. Voir la reproduction du tableau dans M. Simon, Mode et peinture…, op. cit., p. 195.

[48] G. Vigarello, La Silhouette…, op. cit., p. 68-69.

[49Id., Ibid., p. 89-90.

[50] Voir Nadar, Dessins et écrits, t. 2, Paris, Arthur Hubschmid Éditeur, 1979, p. 793 et 808.

[51] Comme le dit la publicité illustrée pour les corsets Augustine Thomas, en 1912, « Avec les modes actuelles, qui moulent admirablement la femme, et en découvrent toute la beauté comme toutes les imperfections, nous devons plus que jamais faire attention à nos corsets… ».

[52] L. G. (dessinateur de La Vie parisienne), dessin publicitaire pour le Sel Clarks pour bain, Les Annales, 25 janvier 1925.

[53] Voir Nadar, Dessins et écrits, t. 2, Arthur Hubschmid Éditeur, 1979, p. 793 et 808.

[54] 19 décembre 1954.

[55] Anne Ségalen et Julot Brunier, « Nevermode », Métal Hurlant spécial Mode, op. cit., p. 32.

[56] Hebe Dorsey, The Belle Époque in the Paris Herald, New York, Thames and Hudson/International Herald Tribune, 1986, chapitre « Fashion », p. 130.

[57] Cliff Sterrett, Polly and her pals…, op. cit.

[58L’Illustration, journal universel, image publiée dans G. Vigarello, La Robe…, op. cit., p. 114.

[59] Pierre Soymier, « Au camp nudiste », Ric et Rac, 6e année, No.276, 23 juin 1934.

[60] Anne Chatel, Crémoux et Garnier, Lili chez les top models, Vents d’Ouest, 1996.

[61Métal hurlant spécial Mode, op. cit., p. 7 et 35.

[62] Voir Tante Mad, Suzette et le bon ton, illustré par Marty, Gautier-Languereau, 1933, qui comporte des chapitres consacrés à « La toilette qu’il faut mettre » et à la manière de se comporter dans un magasin de vêtements.

[63] En première page de Martin Branner, Bicot magicien, Hachette, 1933.

[64] Bim, « Premières factures », dessin humoristique, Dimanche-lllustré, No.835, 26 février 1939.

[65] Mat, « L’éternelle histoire », dessin humoristique, Ric et Rac, 3e année, No.123, 18 juillet 1931.

[66La Vie parisienne, 1902, image publiée dans G. Vigarello, La Silhouette…, op. cit., p. 79.

[67] Kiraz, Les Parisiennes, Denoël, 1963.

[68] Pat Sullivan, « A splash », The Felix Annual, Londres, E. Hulton & Co, 1924.

[69] Brian Walker et Dik Browne, Hi and Lois, America’s Greatest, 27 août 1939.

[70] George McManus, La Famille Illico, Robinson, No.24, 11 octobre 1936.

[71] Robinson, No.63, 11 juillet 1937.

[72« Do you think I could buy a new dress ? – […] D’you think money grows on me ? », publicité pour du thé, The Sunday Sun, 30 octobre 1938.

[73] Gotlib, Gai-Luron, ce héros au sourire si doux, Éditions Audie, 1977.

[74] Anne-Olivia Messana et Caroline de Surany, Fashion Weak, Delcourt, 2017.

[75] « On a toujours besoin d’une petite robe noire ». Pénélope Bagieu, Ma vie est tout à fait fascinante, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2008.

[76] Guillaume Emer, Sociologie des tendances, PUF, “Que sais-je”, 2009.

[77] Célébrée comme « une grande invention » née de la volonté d’un homme pauvre et malade, Elias Howe, de soulager son épouse dans ses travaux textiles, par le strip didactique de J. Carroll Mansfield, « Highlights of History », The Sunday Sun, 9 juillet 1939.

[78] Voir à ce sujet les explications des éditeurs de Les Grands textes de la mode, commentés par Émilie Hammen et Benjamin Simmenauer, IFM/Éditions du Regard, 2017, p 241-243.

[79] Voir Les Grands textes de la mode…, op. cit., p. 118.

[80] Yves Saint Laurent, La Vilaine Lulu, Tchou 1967, rééd. La Martinière, 2017.

[81] Stan Drake, The Heart of Juliet Jones, 16 septembre 1956.

[82] Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, op. cit., p. 803.

[83] M. Simon, Mode et peinture…, op. cit., p. 228 (coll. part., Suisse).

[84] Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, op. cit., p. 803.

[85] « Mr. Newlywed buys his wife a new hat, and Joe wears it », Puck, vol. III, No.76, 6 janvier 1906.

[86] Jean Ache, Archibald, « La conquête de Bouboulimi », Pilote, No.423, 30 novembre 1967.

[87] Benes & Mauduit et Allam, Léa Parker, 1, Victime de la mode, Neuilly-sur-Seine, M6 Éditions, 2005.

[88] A. Grevin, « Croquis parisiens », Petit Journal pour rire, No.566, v. 1865-1867.

[89] Frédéric Monnayron, La Frivolité essentielle. Du vêtement et de la mode, PUF, [2001] 2014, p. 31.

[90] Terme de Mallarmé, cité par M. Simon, Mode et peinture…, op. cit., p. 75.

[91] Russell Patterson, « Mamie », 1954. Image publiée dans Jerry Robinson, The Comics. An Illustrated history of comic strip art, New York, Putnam’s Sons, 1974, p. 194.

[92] « Dès l’été 1940… », dit G. Vigarello, La Robe…, op. cit., p. 163, citant C. Bard, Une histoire du pantalon, mais en réalité dès l’été 1939, comme on le voit dans le Dimanche-Illustré.

[93] Image publiée dans Maurice Horn, Women in Comics, New York, Chelsea House Publishers, 1977.

[94] E. Simms Campbell, « Cuties », 1948. Image publiée dans J. Robinson, The Comics…, op. cit., p. 230.

[95] « Autrefois et aujourd’hui », Le Matin, samedi 22 et dimanche 23 juillet 1944.

[96] Harvey Kurtzman et Will Elder, Little Annie Fanny, Playboy, mai 1975.

[97] G. Erner, Victimes de la mode…, op. cit., p. 135-136.

[98] Smilby, dessin humoristique, Playboy, février 1970.

[99] Sokol, dessin humoristique, Playboy, août 1967, p. 63.

[100] Jacques Charmoz, Les Francémoyens, Neuilly-sur-Seine, Dargaud, 1974.

[101] George McManus, Bringing Up Father, A Complete Compilation : 1913-1914, introduction par Bill Blackbeard, Westport, Hyperion Press, 1977.

[102] F. M. Rowarth, « Such is life with a mother-in-law ! », Comic section of the Chicago Examiner and American, 21 octobre 1906.

[103] George Swanson, « The Flop Family », 1965. Image publiée dans J. Robinson, The Comics…, op. cit., p. 152.

[104] Martin Branner, Bicot président de club, Dimanche-lllustré, No.442, 16 août 1931.

[105] J. Norman Lynd, « Waiting while the wife shops », 27 août 1939.

[106] M. Sauvayre, « M. Toc économiste distingué », Dimanche-lllustré, n° 802, 10 juillet 1938.

[107] Arvot Brisène (Arsène Brivot), « Les petits défauts de ces messieurs », dessin humoristique, Le Petit Écho de la mode, No.26, 25 juin 1933.

[108] Anita Loos, Les Hommes préfèrent les blondes, Gallimard, 1928, p. 30.

[109] Brian Walker et Dik Browne, Hi and Lois, San Francisco Sunday Examiner & Chronicle, 18 mars 1973.

[110] Nina Cosford, My name is Girl. An Illustrated Guide to the Female Mind, Londres, Quadrille, 2016.

[111] Voir par exemple, G. Erner, Victimes de la mode…, op. cit., p. 196 sq.

[112] Janet Alfieri et Ed Colley, Suburban cowgirls, Kansas City, Andrews McMeel, 1992.

[113] Par exemple Cathy Guisewhite, Wake me up when I’m a size 5, Kansas City, Andrews McMeel Publishing, 1985.

[114] Margaux Motin, J’aurais adoré être ethnologue, Hachette/Marabout, 2009 ; Margaux Motin, La Théorie de la contorsion, Hachette/Marabout, coll. Marabulles, 2010 ; Pénélope Bagieu, Ma vie…, op. cit ; Pénélope Bagieu, Joséphine, Le Livre de poche, [2010] 2012.

[115] Prépublication dans Le Figaro Madame, publication aux Éditions Métailié.

[116] F. Legrand, Absolument fabuleuse, op. cit.

[117] Voir « Modes de maman depuis 1984 », dans Nicole Lambert, 30 ans avec les Triplés, Éditions Nicole Lambert, 2014.